Cette année est aussi celle des premiers voyageurs suisses avec votre offre de voyages à forfait EasyJet Holidays. Quel est votre objectif de rentabilité pour la Suisse?
Nous ne communiquons pas sur les objectifs locaux. Pour l’exercice 2022-2023, le bénéfice avant impôt d’EasyJet Holidays a été de 122 millions de livres [135 millions de francs, ndlr], sur un total de 455 millions. C’est une activité très rentable pour nous puisque 1,9 million de passagers sur les 82 millions que nous avons transporté l’an dernier ont utilisé ce service. Avec l’important potentiel au Royaume-Uni ainsi que l’ouverture du service en Suisse, en Allemagne et en France, notre objectif serait de doubler cette rentabilité à moyen terme.
Migros a annoncé la mise en vente d’Hotelplan. Seriez-vous intéressés par un rachat?
Nous avons créé EasyJet Holidays en 2019, ensuite il y a eu le covid. Là, nous avons eu une très bonne année en Angleterre et nous avons lancé ces nouveaux marchés. Pour l’instant, notre objectif, c’est la croissance organique. Nous ne voulons pas devenir un tour-opérateur classique, notre état d’esprit, c’est de construire EasyJet Holidays dans la même veine que la compagnie aérienne, c’est-à-dire parvenir à des économies d’échelle, être très numériques et pouvoir croître de manière flexible sans ajouter une base de coût fixe importante. Nous pouvons proposer des prix très attractifs grâce à ce modèle très axé sur le numérique, à des contrats directs avec les hôtels et surtout l’accès à nos vols bon marché.
Ce lancement en Suisse a-t-il entraîné des recrutements?
Il y aura quelques recrutements, par exemple au niveau marketing, mais l’objectif est d’utiliser essentiellement la plateforme qui est déjà bien établie puis éventuellement faire quelques ajustements pour proposer une langue ou des monnaies supplémentaires, mais avec une centralisation plutôt que des recrutements locaux. Encore une fois, l’idée n’est pas d’avoir des gens à l’aéroport qui accueillent les voyageurs avec de petits drapeaux, mais d’avoir une approche plus numérique et dans l’air du temps avec une base de coût ultra-efficiente.
EasyJet a passé une commande de 157 Airbus A320neo en décembre. Ces dernières semaines, les difficultés de son concurrent Boeing ont fait couler beaucoup d’encre. Peuvent-elles perturber les livraisons?
Il y a beaucoup de contraintes en termes de capacité et d’accès à de nouveaux appareils pour beaucoup de compagnies. Il y a ces problèmes chez Boeing mais aussi pour les appareils équipés de moteurs Pratt & Whitney [des centaines d’Airbus A320neo vont devoir être immobilisés pour une maintenance anticipée suite à la découverte d’un défaut cet été, ndlr]. Heureusement, nous ne sommes pas concernés. Nous sommes un partenaire proche d’Airbus depuis longtemps et nous sommes heureux d’avoir pu signer ce contrat avec une assurance de production entre 2029 et 2034. Les créneaux de production se font rares et cela nous donne une base stable pour le remplacement de notre flotte et notre croissance jusqu’en 2034.
Depuis ses débuts, EasyJet n’a pas connu de crash, mais ces derniers mois deux incidents ont été enregistrés en Suisse, dont un où l’avion concerné avait adopté une trajectoire qui aurait pu le mener dans le lac Léman. Comment les expliquez-vous?
Pour être clair, à aucun moment la sécurité des passagers et du personnel de cabine n’a été menacée. Nous ne pouvons pas commenter davantage car une enquête est en cours. La sécurité de nos passagers et de notre équipage est toujours la priorité absolue d’EasyJet.
Vous motivez aussi l’achat de nouveaux avions par la réduction des émissions polluantes. Mais pour certains, la solution passe par la limitation des vols, particulièrement au niveau intra-européen, votre cœur de métier.
Les A320neo, comme ceux que nous venons de déployer à Genève, représentent 15% d’émission de CO2 en moins et 50% de bruit en moins au décollage et à l’atterrissage. Mais la complémentarité de l’aérien et du train est un non-débat. Finalement, c’est le consommateur qui choisit, mais on voit bien que quand il y a des liaisons ferroviaires sur des trajets de trois heures, trois heures et demie, les gens préfèrent le train. Nous avons une base à Genève et une autre à Bâle, nous n’effectuons pas de vols entre les deux. Si des infrastructures de train rapide se développent, nous adapterons notre réseau. Il y a aussi une pensée qui émerge de faire financer le rail par l’aérien, ce qui est une fausse bonne idée. Si des investissements massifs sont réalisés dans l’infrastructure ferroviaire, les émissions de CO2 pour sa mise en plus seront colossales pour une implémentation dans de nombreuses années, à un horizon où l’aérien devrait avoir atteint le net zéro. Surtout, cela empêcherait le secteur d’accélérer sa transition.
Quant à limiter le nombre de vols par personne dans une vie?
C’est un peu un débat de privilégiés. Parce que les 25 ans d’EasyJet en Suisse, ce sont aussi 25 ans de démocratisation de l’aérien. Il y a deux décennies, un vol vers Barcelone coûtait presque autant que de voler aujourd’hui vers New York. Augmenter les prix des billets, c’est en refaire un produit pour personnes privilégiées socialement. Depuis Genève, il y a beaucoup de vols vers des pays dont les Suisses d’aujourd’hui sont originaires, c’est une question de liens familiaux. Le développement économique et touristique de certains de ces pays est adossé à l’aviation.
Avec l’annonce d’un tour du monde par Bertrand Piccard, les projecteurs ont à nouveau été braqués sur l’aviation à hydrogène. C’est la solution pour laquelle EasyJet a opté.
Nous sommes de fervents promoteurs de l’hydrogène. Les compagnies traditionnelles sont peu intéressées parce que leur cœur de métier, c’est le long courrier et sur ce segment l’hydrogène ne sera pas une solution avant très longtemps. Mais pour notre réseau, c’est tout à fait à propos. Finalement, les SAF [carburants alternatifs, ndlr] sont une manière de recycler du CO2 mais il y a tout de même des émissions. La seule façon de parvenir au net zéro, c’est l’hydrogène. Nos partenaires, Airbus et Rolls-Royce avancent à grands pas dans ce domaine. La question aujourd’hui n’est pas de savoir si la technologie va exister ou non, le véritable enjeu, c’est la montée en puissance de la production d’hydrogène vert.
Allez-vous investir dans ce domaine pour aider le marché à émerger?
Non parce que l’hydrogène sera nécessaire pour de nombreuses autres industries et que nous ne sommes qu’une goutte d’eau dans un océan à ce niveau-là. Ce qu’il faut, ce sont des stratégies de production mises en place par des gouvernements. Et on commence à la voir, beaucoup de pays ont décidé que c’était un enjeu stratégique et investissent. En octobre, nous avons lancé une alliance Hydrogen in Aviation avec différents partenaires pour accélérer le développement d’une aviation décarbonée. Nous parlons beaucoup d’hydrogène, mais évidemment, cela ne nous dédouane pas de baisser nos émissions actuelles.