"Les droits de douane américains nous touchent de plein fouet"

En tant qu'entreprise familiale de Laufen, Ricola mise depuis 1930 sur la compétence en matière d'herbes et sur une réflexion à long terme. A l'occasion de la visite du Sustainable Switzerland Entrepreneurs Club chez Ricola le 24 septembre 2025, le CEO Thomas P. Meier esquisse dans une interview comment l'entreprise maintient le cap et quels sont les leviers qui seront décisifs dans les prochaines années.

Monsieur Meier, comme beaucoup d'autres entreprises, Ricola souligne que la durabilité fait partie de son ADN. Est-ce que c'est sérieux?

Thomas P. Meier: "Ricola doit tout à la nature, c'est pourquoi nous misons systématiquement sur la durabilité depuis notre création en 1930. La véritable durabilité ne peut être atteinte que par une approche globale et systématique qui tient compte des aspects écologiques, économiques et sociaux. Mais lorsque nous parlons de durabilité, nous entendons non seulement les aspects écologiques, mais aussi les aspects sociaux et économiques. Nous accordons par exemple une grande importance à des collaborateurs satisfaits et motivés, à une culture d'entreprise ouverte et respectueuse et à des relations de confiance avec nos fournisseurs. Le soutien actif d'initiatives sociales et artistiques fait également partie intégrante de notre identité. En tant qu'entreprise familiale, nous pensons en termes de générations. Notre action est donc marquée par une gestion d'entreprise économiquement durable, qui ne mise pas sur les bénéfices à court terme, mais sur la stabilité, la fiabilité et la constance à long terme. Nous créons ainsi une base solide pour un avenir prospère - pour nos collaborateurs, nos partenaires, la société et la nature".

Disposez-vous de votre propre stratégie de durabilité?

Meier: "Nous avons une stratégie de durabilité écrite depuis 2022, mais en fait, nous plaçons les aspects écologiques, économiques et sociaux au centre de nos activités depuis la création de notre entreprise. Depuis 2020, la stratégie de durabilité mentionnée fait partie de notre stratégie commerciale. Nous nous concentrons sur six champs d'action différents: Agriculture, Déchets, Emballage, Climat, Eau, Approvisionnement. Nous avons défini des objectifs clairs et mesurables pour chacun d'entre eux et mettons en œuvre les mesures nécessaires pour les atteindre. J'aimerais aborder deux exemples:


D'ici 2030, 80 % de nos matières premières seront cultivées conformément à nos principes agricoles. Ceux-ci permettent d'obtenir des sols sains et favorisent la biodiversité. Aujourd'hui déjà, les herbes alpines utilisées dans nos bonbons sont cultivées conformément aux directives de Bio Suisse par une centaine d'agriculteurs suisses sous contrat. En outre, nous soutenons la culture durable de betteraves sucrières conformément aux principes d'IP Suisse, l'une des principales organisations de production et de commercialisation agricoles de Suisse.
Nous accordons également une importance particulière au thème de l'énergie. Ainsi, nous misons exclusivement sur les sources d'énergie renouvelables dans la production. Notre objectif est de réduire d'environ la moitié nos émissions indirectes de CO₂ par franc gagné d'ici 2030. En d'autres termes, pour la même prestation économique, nous devons produire nettement moins de CO₂".


Ricola produit neuf milliards de bonbons aux herbes par an. Les États-Unis sont de loin le plus gros acheteur. Cette forte position sur le marché est-elle devenue un problème pour Ricola face à l'augmentation drastique des droits de douane américains à l'importation sous le président Trump?

Meier: "Les droits de douane américains nous touchent bien sûr fortement, comme d'autres entreprises exportatrices. Toutefois, Ricola est une entreprise en parfaite santé, bien positionnée dans l'ensemble et qui continuera à s'accrocher à son site de Laufen. Nous avons des innovations prometteuses dans le pipeline et une marque forte qui jouit de l'estime de nos consommatrices et consommateurs partout dans le monde. Dès l'annonce des nouveaux droits de douane, nous avons relevé le défi et mis en place une task force interne. Cette taskforce suit de près l'évolution de la situation et travaille intensément à l'élaboration de mesures appropriées. Nous prévoyons par exemple de légères augmentations de prix de 10 pour cent à partir de décembre de cette année pour le marché américain et nous travaillons à la réduction de nos coûts - par exemple pour l'achat de matériel d'emballage".

Quels sont pour vous les plus grands défis à relever dans les années à venir?

Meier: "Comme tous les fabricants de produits alimentaires, Ricola est confronté à des défis liés à des règles de durabilité plus strictes, à des évolutions géopolitiques volatiles et à des changements dans les habitudes de consommation. En même temps, ces tendances nous offrent justement des opportunités: dans le domaine de la durabilité, nous avons déjà une grande avance aujourd'hui et, en tant que marque traditionnelle et crédible axée sur la nature et la santé ainsi que sur des produits naturels et végétaux de qualité supérieure, nous sommes dans la tendance".

On entend souvent dire dans les milieux économiques que la politique en Suisse et dans l'UE exagère avec ses réglementations détaillées en matière de durabilité pour les entreprises. Est-ce que vous partagez ce point de vue?

Meier: "Nous devons tout à la nature et sommes donc d'avis que nous devons aussi tout entreprendre pour la préserver. En adoptant une approche globale et systématique, nous pouvons contribuer à préserver la nature pour l'avenir. Les règles et les labels sont en principe importants à cet égard, car ils fournissent un cadre fiable. D'un autre côté, il faut aussi faire preuve de mesure et la politique doit poursuivre des objectifs réalistes et fixer des conditions-cadres raisonnables pour l'économie. Il y a de plus en plus de règles en Suisse et dans l'UE qui entraînent une charge administrative indicible et dont l'utilité effective est en partie discutable".