Les règles du jeu sur le marché ont changé du tout au tout: il y a 20 ans encore, des études cherchaient à savoir s'il était possible de tenir compte des aspects éthiques, sociaux et écologiques dans la gestion d'une entreprise sans risquer de perdre en rendement. Aujourd'hui au contraire, les entreprises craignent des pertes de rendement sensibles si elles ignorent de tels critères. La durabilité est une dimension grâce à laquelle elles peuvent acquérir un avantage concurrentiel – si elles agissent rapidement.
Ce n'est pas une organisation non gouvernementale verte qui le dit, mais un cabinet de conseil mondial de premier ordre, dont tous les étudiants en gestion d'entreprise ont découvert les modèles dès leur premier semestre: le Boston Consulting Group (BCG).
Une fenêtre temporelle pour un changement de cap
Pourquoi le moment serait-il idéal pour passer à la vitesse supérieure grâce à la durabilité? C'est un ensemble de différents facteurs, argumente le BCG dans l'une de ses «Executive Perspectives». Ainsi, le changement climatique et l'appauvrissement de la biodiversité ont fait réagir les régulateurs. Le cadre légal se durcit partout dans le monde, surtout depuis que l'ONU a lancé en 2015 son Agenda 2030 avec ses 17 objectifs de développement durable.
Depuis longtemps, la durabilité fait partie de toute gestion des risques. La «conscience verte» de différents groupes d'intérêt, de la clientèle aux investisseurs, s'est développée au point que ces derniers peuvent faire défection s'ils ne perçoivent pas la durabilité comme faisant partie des activités quotidiennes d'une entreprise. La bonne nouvelle pour les entreprises: les progrès technologiques donnent lieu à des innovations révolutionnaires, dont certaines peuvent changer la donne. Mais surtout, en raison du marasme économique actuel, les cours de différentes actions ont baissé et davantage de personnes disposant d'un savoir-faire dans le domaine de la durabilité sont à nouveau disponibles sur le marché.
Une grande disponibilité de personnel spécialisé
Ainsi, concrètement, les actions dans des secteurs tels que la mobilité électrique, l'alimentation à base de protéines alternatives et la production de batteries ont parfois chuté de 30 à 60% au cours des derniers mois. Parallèlement, d'importantes entreprises du secteur de la durabilité ont réduit leurs effectifs. Parmi les secteurs concernés figurent l'énergie éolienne aux États-Unis, l'agriculture verticale avec la culture de légumes en intérieur – une entreprise a licencié plus de la moitié de ses employés – et les fournisseurs de piles au lithium. Cela offre aux entreprises la possibilité de recruter des spécialistes ainsi que d'acquérir des sociétés innovantes et de développer des compétences durables à un coût relativement faible.
Nombre d’entre elles en ont d'ailleurs un besoin urgent. «Dans tous les secteurs, beaucoup d’entreprises en sont encore à leurs débuts», déclare Joachim Stephan, Managing Partner du BCG Switzerland: «Nous observons une large incertitude sur le cadre réglementaire, les obligations de reporting ainsi que sur la communication avec les clients et les parties prenantes.» Selon Joachim Stephan, les entreprises ne devraient réussir à percer que lorsqu'elles parviendront à faire de la durabilité un modèle commercial et à générer ainsi de la valeur actionnariale – une plus-value pour les actionnaires. La durabilité est certes un objectif relativement récent, mais les principes fondamentaux de la transformation des entreprises sont toujours valables. Et comme chacun sait, celle-ci fait partie des compétences clés du BCG.
Apprendre des meilleurs
Mais comment les entreprises peuvent-elles augmenter leur valeur ajoutée via la durabilité? Le BCG a analysé d'innombrables entreprises pionnières en matière de développement durable – et qui en profitent économiquement. Pour n’en citer que trois exemples: voici un groupe de construction mécanique qui a compris que l'écologie et l'économie vont de pair. Il développe des solutions qui misent sur la précision de la haute technologie, les énergies alternatives et le principe de l'économie circulaire. Il aide ainsi les clients à devenir à la fois plus rentables et plus durables grâce à des gains d'efficacité. Un deuxième leader durable du secteur est le fournisseur américain de produits alimentaires Sysco. Après analyse, il a constaté qu'environ 18% des émissions mondiales de gaz à effet de serre seraient imputables à l'agriculture et à la sylviculture. Parallèlement, le marché des aliments durables croît trois fois plus vite que celui des aliments conventionnels.
C'est pourquoi Sysco place la durabilité au cœur de sa stratégie d'entreprise. Ainsi, le groupe teste non seulement des solutions d'agriculture en intérieur de nouvelle génération pour produire des aliments frais et locaux, mais il électrifie également sa flotte de véhicules et réduit ses déchets. Il est intéressant de constater que même un groupe chimique de premier plan, dont l'empreinte écologique était jusqu'à présent importante, a réussi à changer de cap. Il souhaite développer de nouveaux secteurs d'activité grâce au développement durable. Pour ce faire, il a conçu une nouvelle stratégie et mis en place une gouvernance qui soutient le changement vers la décarbonation. Il est clair que cela exige aussi une gamme de produits plus durables. Un événement destiné aux investisseurs a montré que la réorientation est également bien accueillie par les bailleurs de fonds.
Trois leviers pour gagner
A partir de tels exemples, le BCG dégage trois champs d'action qui permettent aux entreprises d'augmenter significativement leur valeur. En premier lieu, il s'agit d'harmoniser la durabilité avec le modèle d'entreprise. Ceux qui adaptent leurs produits de manière ciblée peuvent profiter de l'augmentation d’une demande durable. Ensuite, il faut une approche globale pour une transformation durable dans tous les domaines de l'entreprise. Enfin, il faut s'assurer que la décarbonation crée de la valeur pour les actionnaires – car la route de l’avenir doit aussi pouvoir être financée.
Pour ce faire, les structures de gouvernance doivent être mises en place de manière adéquate. On pourrait objecter qu'il est facile de formuler des recettes de succès durables quand on est conseiller. Mais ce que le BCG prêche, il le vit aussi lui-même: il a ainsi élargi ses compétences en matière de transformation durable en acquérant Quantis, une société suisse de conseil en développement durable qui compte plus de 250 experts en environnement. L'approche de conseil du BCG intègre l'agenda de durabilité des clients et se concentre sur leur création de valeur. Le BCG et le top 100 qu'il a identifié en matière de durabilité montrent qu'un changement est possible dans chaque secteur – il suffit de le mettre sur les bons rails.