Ce jeudi, un représentant du gouvernement français viendra donc faire un exposé avant une présentation de ses nouveaux projets par une dirigeante d’Electricité de France (EDF). Le tout sous le patronage de l’ambassadrice de France, Marion Paradas, et du président du Forum nucléaire suisse, Hans-Ulrich Bigler, ancien conseiller national PLR passé à l’UDC, et ex-directeur de la toute-puissante Union suisse des arts et métiers (USAM).
Pas de promotion agressive
Diplomatie oblige, un initié fait comprendre que cette initiative ne doit pas être vue comme une promotion agressive de cette filière dans un pays qui y a renoncé. La France ne veut pas intervenir dans le débat suisse. A une période où l’approvisionnement énergétique est un enjeu géopolitique, renseigner sur les réacteurs de nouvelle génération peut toutefois consolider la collaboration qui est déjà forte entre les deux pays. Les usines françaises fournissent un tiers de l’énergie consommée en Suisse. Alors que la décarbonation de l’économie est lancée, cette technologie que le Parlement européen a classée comme propre peut aider à respecter les engagements internationaux pris par la Suisse.
La sécurisation de l’approvisionnement peut d’ailleurs être vue dans une perspective double: si la France a un savoir-faire à vendre à la Suisse, la Confédération forme des ingénieurs dont EDF a besoin. «La France veut assurer son autonomie énergétique et sa réindustrialisation à travers le nucléaire, rappelle Patrick Mayer, vice-président de la Chambre de commerce France Suisse. Elle sait qu’elle a besoin de partenaires, et s’ils viennent de pays stratégiquement amis, c’est encore mieux.» La Confédération compte plusieurs sociétés qui travaillent déjà en France, comme APCO Technologies. «La France s’intéresse aux capacités et au savoir-faire suisses pour produire des composants nécessaires, confirme Patrick Mayer. L’industriel suisse peut y voir un potentiel.»
Le parlement divisé
Au parlement, le débat s’annonce serré. Pour Céline Vara, sénatrice verte neuchâteloise, le postulat de Thierry Burkart symbolise «une véritable stratégie de démantèlement des causes écologistes. La majorité se montre dogmatique en allant systématiquement à contre-courant des intérêts environnementaux et de la volonté populaire sur cette thématique. Elle fait preuve d’un mépris de la démocratie qui a voté pour la loi climat en 2023. D’un côté, il y a la réalité scientifique et, de l’autre, des discours politiques qui en font fi».
La Neuchâteloise n’est pas plus tendre avec l’événement franco-suisse de jeudi: «Une grande partie des réacteurs français se trouvent à l’arrêt. Cela achève de démontrer que cette énergie est une faillite. Et dire qu’avec les montants colossaux qu’on injecte dans le nucléaire, on pourrait mettre en place une stratégie énergétique renouvelable d’une grande efficacité!»
Le Centre demeure opposé
Dans le camp bourgeois, Le Centre reste opposé à la réintroduction du nucléaire. La conseillère nationale fribourgeoise Christine Bulliard-Marbach le rappelle sans équivoque: «Ce postulat ne change rien au fait que je ne crois pas au nucléaire mais aux énergies renouvelables. Miser sur le nucléaire est irréaliste, il faut trente ans pour construire une centrale, sans parler des coûts très élevés.» Sur la démarche française, la Fribourgeoise se dit que «le fait que la Suisse n’est pas unie peut donner l’impression à d’autres qu’il y a des opportunités à saisir».
Dans les rangs libéraux-radicaux, la Genevoise Simone de Montmollin observe que «les Français font leur travail d’information et déploient leur stratégie. Nous avons de bonnes relations avec eux, importons déjà passablement de leur énergie et aurons des discussions dans le cadre du futur accord sur l’électricité avec l’UE.» Sur l’énergie nucléaire en soi, la conseillère nationale estime que «de notre côté, nous devons avoir une vision pour l’électrification future de la Suisse. Nous avons choisi notre voie, mais devons rester ouverts aux développements technologiques.» Elle avertit néanmoins: «Décider d’une nouvelle centrale aujourd’hui serait inopérant pour atteindre nos objectifs 2050, en raison des délais pour sa construction. La question devra être étudiée pour l’avenir, si les avancées scientifiques annoncées se vérifient.»