Nous voyons aujourd’hui ce qui se passe lorsqu’il n’y a pas une telle mobilisation: le taux de participation était aujourd’hui de 42%, ce qui est plutôt inférieur à la moyenne. Cela a certainement été un désavantage pour le camp du non. Ce qui est frappant, c’est qu’en Suisse romande notamment, les choses semblent avoir bougé depuis le vote sur la loi sur le CO2. La part de oui à la loi sur le climat est nettement plus élevée que lors de cette votation.
Vous avez évoqué la campagne intensive. Cette fois encore, l’UDC l’a menée tambour battant. L’argument visait surtout l’augmentation des coûts (gouffre à électricité). Comment se fait-il que cet argument n’ait pas eu plus d’effet - en période d’inflation élevée?
C’est une question passionnante. La campagne était vive, elle a été menée de manière intensive. Mais elle était clairement moins bien soutenue que la loi sur le CO2. L’argument du coût n’a-t-il pas fonctionné? En partie seulement, car il existait bel et bien un soutien pour cet argument. Nous avons vu au préalable qu’environ 45% des votants partaient du principe que les coûts augmenteraient massivement à cause de cette loi - dans les milieux de droite et parmi les personnes non affiliées à un parti, il s’agissait même d’une majorité.
Mais cela n’a pas eu le même impact que dans le cas de la loi sur le CO2. En effet, les coûts de ce projet sont beaucoup plus abstraits et ne peuvent pas être discutés aussi directement qu’à l’époque où l’on parlait de taxes sur les billets d’avion, de taxes sur l’essence et d’autres exemples concrets - et où chacun pouvait calculer personnellement les dépenses supplémentaires en cas d’acceptation.
Cette fois, il s’agit d’un projet plus souple: il est question de subventions, de structures incitatives et moins de conséquences fiscales directes.
La loi sur le climat qui a été adoptée est un contre-projet indirect à l’initiative populaire sur les glaciers. Celle-ci a été très médiatisée pendant un certain temps. Cela a-t-il une influence sur le résultat d’aujourd’hui?
C’était en quelque sorte la version plus dure de la loi sur laquelle nous avons voté aujourd’hui. Elle aurait formulé des objectifs plus clairs et les coûts auraient eu un impact beaucoup plus direct. La proposition de compromis négociée au Parlement a coupé l’herbe sous le pied de ce comité d’initiative - et cela se voit maintenant dans les urnes: c’est un oui relativement large que nous trouvons ici.
Où se situe désormais la Suisse en comparaison internationale dans la lutte contre le changement climatique?
En l’état actuel des choses, elle n’occupe certainement pas une position de pointe. Nous pourrons à nouveau discuter sérieusement de cette question dans trois ou quatre ans, lorsque les effets effectifs de cette loi seront visibles. On sait par les statistiques que la Suisse n’est pas en tête en ce qui concerne les énergies renouvelables.
Le «oui» d’aujourd’hui est sans équivoque. Pourtant, le soutien a diminué au cours de la campagne. À quoi cela est-il dû? La couverture médiatique des actions d’écologistes qui se collent au bitume a-t-elle eu une influence?
Il est difficile de le résumer à des facteurs individuels. Ce que l’on a certainement vu, c’est que durant la période des élections fédérales de 2019, la Jeunesse pour le climat a contribué à une atmosphère de renouveau positif en matière de politique environnementale.
Depuis, une partie de cette jeunesse climatique a subi la pression du public, surtout en raison d’actions qui ont attiré l’attention, et même les Vert-e-s ont pris leurs distances. L’unité au sein du camp des Vert-e-s s’est quelque peu rompue depuis. Mais la poussée de l’argument des coûts pendant la phase principale de la campagne a sans doute été plus importante.
L’argument du coût a donc fait mouche auprès de certaines parties de la population. Quels étaient les autres arguments contre cette loi?
Environ 40% des votants étaient d’accord avec l’affirmation selon laquelle les mesures prévues pourraient aggraver la crise énergétique et la pénurie d’électricité. C’est un argument qui a gagné en popularité au cours de la campagne.
Un autre argument est que le paysage serait défiguré par des panneaux solaires ou des éoliennes. C’est donc un argument écoconservateur et conservateur auquel on peut s’attendre lorsqu’il s’agit du paysage, y compris lorsqu’il s’agit de l’attrait touristique.
Il est probable que les milieux critiques à l’égard du gouvernement aient rejeté cette loi sur le climat. Le troisième référendum Covid ayant été rejeté en même temps, font-ils partie des perdants de ce dimanche?
Les autorités ont imposé leur position à trois reprises aujourd’hui. Dans ce sens, les cercles critiques envers les autorités ont effectivement perdu ce dimanche. Mais on peut aussi argumenter à l’inverse qu’ils ont tout de même atteint des parties importantes de la population avec leurs critiques contre ces projets.
Je ne voudrais donc pas tuer ce mouvement. Mais il n’était et n’est pas vraiment capable de réunir une majorité. En Suisse, les personnes qui font confiance au gouvernement et au Parlement sont bien plus nombreuses que celles qui sont méfiantes.
Les parts de voix ont à nouveau diminué et se sont stabilisées dans la moyenne à long terme. Les effets de la pandémie sont-ils en train de s’estomper définitivement en ce qui concerne le comportement de vote?
Oui, il semble que nous revenions peu à peu à la normale. Cela se voit certainement à la participation aux votes, qui se situe à nouveau au niveau habituel. Il n’y a plus non plus d’effervescence comme dans le cadre immédiat de la pandémie, où nous avons eu des votes avec une participation record.
Autre fait marquant: pendant la pandémie, le taux de réussite des référendums était très élevé. Un certain mécontentement était en effet perceptible et palpable lorsqu’il s’agissait de propositions des autorités dans les urnes. Dans le cadre immédiat de la pandémie, ce taux de réussite était de 46%. Entre 2000 et 2019, il était de 26%.
Environ un quart des référendums sont donc normalement couronnés de succès; pendant la pandémie, les valeurs étaient nettement plus élevées. Aujourd’hui, on ne ressent plus guère cette situation.
Ce qui est spécial en ce dimanche, c’est qu’il y a eu un délai de neuf mois depuis les précédentes votations. Cela a-t-il eu une influence sur le comportement de vote?
C’est difficile à déterminer. Mais c’était aussi la dernière votation avant les élections. C’était donc la dernière grande fenêtre pendant laquelle les partis pouvaient encore se profiler.