Monsieur Sobek, pourriez-vous nous faire un état des lieux de la durabilité dans le secteur de la construction?
Werner Sobek: J’observe une dynamique de changement – en dépit de conditions difficiles dans le secteur. Au cours des dix dernières années, les planificateurs et les maîtres d’ouvrage ont pris davantage conscience de la nécessité d’une transformation radicale de notre environnement bâti. Mais, audelà des économies d’énergie, nous devons élargir la durabilité à la construction circulaire, à l’utilisation de matériaux recyclés et à la réduction des émissions.
Concrètement, quels progrès observez-vous?
La construction circulaire et l’utilisation de matériaux recyclés font désormais l’objet de recherches dans différents endroits du monde. Il s’agit de comprendre les matériaux recyclés, de les évaluer qualitativement et, le cas échéant, de les standardiser. La Suisse, l’Autriche, l’Allemagne et la France ainsi que les pays scandinaves et la Chine sont particulièrement avancés dans ces domaines.
Quelle est la contribution du secteur de la construction aux émissions globales de carbone?
Selon l’Agence internationale de l’énergie, le secteur de la construction représente environ 40% des émissions mondiales de carbone. Mes propres recherches suggèrent toutefois une part située entre 50 et 53%.
Comment expliquez-vous cet écart dans les calculs de carbone entre vos recherches et celles de l’Agence internationale de l’énergie?
Les calculs de l’AIE ne prennent pas en compte certaines sources d’émissions, comme la construction d’infrastructures et les émissions liées au transport. Or, ces dernières jouent un rôle majeur dans les émissions globales du secteur de la construction. On pense généralement que le chauffage et l’eau chaude sont les principales sources d’émissions polluantes. C’est d’ailleurs ce qui se reflète dans les règles relatives à l’efficacité énergétique des bâtiments. Mais les causes des émissions nocives pour le climat de l’environnement bâti sont bien plus nombreuses. Une grande partie des émissions sont produites pendant la fabrication des matériaux de construction, leur transformation en éléments de construction, leur installation dans les bâtiments ou les ouvrages d’infrastructure, sans parler des opérations de transport qui y sont liées.
Selon vous, quelles mesures concrètes devons-nous mettre en oeuvre pour réduire ces émissions de manière efficace?
L’accent doit être porté sur les matériaux dont la production ne génère pas ou peu d’émissions nocives pour le climat. Les matériaux, y compris les matériaux recyclés, doivent provenir des environs ou de la région. Le transport sur de longues distances est rigoureusement à proscrire. Je pense qu’à l’avenir, le secteur de la construction utilisera beaucoup plus souvent des mélanges de matériaux, même pour le gros oeuvre. De plus, nous devons prendre en compte l’ensemble du cycle de vie des bâtiments, et nous focaliser davantage sur le calcul final.
Le calcul final? Pourriez-vous préciser?
Dans le sud de l’Allemagne, par exemple, les gravats issus des travaux de démolition ne peuvent plus être stockés définitivement, car les décharges ont atteint leurs limites de capacité. Les déchets de construction sont donc acheminés vers le sud de la Pologne. Quand un mètre cube de gravats de béton est transporté depuis Munich, sur plusieurs centaines de kilomètres, un camion de transport émet autant de gaz nocifs pour le climat pendant le trajet que pour la production de la même quantité de béton. Par conséquent, le calcul de la durabilité des bâtiments doit prendre en compte ces émissions liées au transport, mais aussi les ressources et les émissions liées à la déconstruction et au recyclage des ouvrages.
Quels sont les matériaux de construction que vous considérez comme les plus durables dans l’ensemble de la chaîne de processus?
Les matériaux de construction ne sont pas fondamentalement «bons» ou «mauvais». Chaque matériau doit être analysé en fonction de son contexte d’utilisation. Le bois, par exemple, est durable lorsqu’il est disponible au niveau régional et sans perte de matériau pendant la chaîne de production. L’évaluation écologique de l’acier, de son côté, dépend fortement du mode de production. Dans le cas du béton, les émissions de carbone peuvent être réduites grâce à des ciments à faible émission.