Selon de nombreuses d’études, la plupart des personnes dans le monde envisagent l’avenir avec pessimisme, y compris en Suisse. Sans surprise, l’environnement et le climat figurent en tête de la liste de leurs inquiétudes. Dans les débats actuels, l’avenir apparaît davantage comme une menace que comme une promesse. 

Nous parlons d’objectifs climatiques, d’approvisionnement énergétique et de mobilité — mais nos solutions demeurent bien souvent technocratiques. Ainsi, l’avenir est envisagé sous la forme d’une continuation optimisée du présent. Les nouvelles technologies — moteurs électriques, hydrogène, captation du CO2 ou carburants synthétiques — prennent trop souvent le pas sur les enjeux de fond. La même logique technologique qui a contribué aux problèmes actuels est désormais présentée comme la seule alternative. Pourtant, ses conséquences néfastes sont connues: l’extraction de terres rares destinées aux batteries détruit les écosystèmes et aggrave les dépendances géopolitiques, les centres de données consomment de grandes quantités d’énergie… Mais surtout, la technologie est incapable à elle seule de créer un avenir porteur de sens. On nous laisse croire que nous n’avons pas besoin de changer de comportement. 

Dans le même temps, nous manquons d’images positives: qu’est-ce que la qualité de vie au 21e siècle? Comment voulons-nous habiter, travailler, consommer? À quoi ressemblerait un progrès qui ne serait pas seulement efficace, mais aussi agréable et respectueux de l’environnement? Dans un monde où l’avenir est perçu en premier lieu comme une menace — ou comme une réparation technique du présent — il n’est guère étonnant qu’autant de personnes soient aussi fatalistes. 

Et pourtant, de nombreuses alternatives existantes montrent que la durabilité, la rationalité économique et la qualité de vie ne sont pas forcément antinomiques. Par exemple, le concept de la «ville du quart d’heure» permet aux habitants et habitantes de se passer de voitures, qu’elles soient électriques ou pas. Tout ce qui est nécessaire à la vie, des courses au cabinet du pédiatre, est accessible à pied sur une courte distance. Cela permet non seulement de réduire le trafic et d’améliorer la qualité de l’air, mais aussi de renforcer la création de valeur locale et les relations sociales. Cette «ville régénérative» promeut le retour à la proximité, à la sécurité et aux valeurs traditionnelles, pour que la complexité puisse faire sens à nouveau.

Des villes comme Paris et Barcelone ont déjà mis en œuvre ce modèle, avec succès. La modération du trafic contribue de manière mesurable à la qualité de vie.». Sous l’impulsion du parti libéral-démocrate, Bâle-Ville a développé le concept de «voisinages de 10 minutes». Toutes ces innovations sociales montrent qu’une société durable ne résulte pas seulement du progrès technologique, mais aussi d’une interaction innovante entre conception, responsabilité et sens commun. 

Il faut également promouvoir un débat public large sur les perspectives positives, une boussole sociale qui montre ce que le changement peut réellement représenter. Pourtant, le véritable potentiel réside dans la question de savoir comment nous pouvons, en tant que société, retrouver une idée de ce que signifie la qualité de vie — une notion qui va au-delà des niveaux de consommation et du taux de croissance. 

Nous n’avons pas besoin d’utopies sans technologie, pas plus que d’utopies qui l’idolâtrent aveuglément. Il s’agit de promouvoir une vision pragmatique d’une société moderne, responsable et écologiquement viable, dans laquelle les gens aiment vivre et envisagent à nouveau l’avenir de manière positive. Pour cela, il faut des politiques, des urbanistes, des entrepreneurs et entrepreneuses, des citoyens et citoyennes qui s’engagent pour de tels modèles — et qui ont le courage de penser en dehors des cadres préexistants. 

L’avenir ne tombera pas du ciel, mais nous n’avons pas l’embarras du choix. Nous devons façonner et administrer les possibles. Cela commence par une question simple, mais cruciale: comment traduire en actions notre responsabilité envers l’environnement et la société? Commençons par imaginer des quartiers où il ne serait plus nécessaire de disposer d’une place de parking pour se sentir libres.

L’auteur est responsable des nouveaux modèles économiques et des questions d’avenir au WWF Suisse.