La moitié des slogans publicitaires laissent à désirer
L’écoblanchiment a pris de l'ampleur dans l'UE. En 2021, les autorités nationales de protection des consommateurs et la Commission européenne ont publié des chiffres qui montrent clairement que le scepticisme est de mise lors des achats.
Pour la première fois, des sites web ont été analysés pour repérer un éventuel écoblanchiment. Dans pas moins de 42% des cas, il y avait des raisons de penser que les informations étaient «exagérées, fausses ou trompeuses». En outre, elles pourraient constituer des «pratiques commerciales déloyales» et donc enfreindre les règles européennes existantes.
Le principal problème est que les détails manquent souvent pour des décisions éclairées et des assertions vérifiées. Ainsi, l'enquête a jugé que, dans plus de la moitié des cas, l'entreprise n'avait pas fourni aux consommateurs des informations suffisantes pour leur permettre de juger de l'exactitude des informations.
Dans près de 40% des cas, des indications vagues et générales telles que «conscient», «respectueux de l'environnement» et «durable» ont été fournies dans le but de donner aux consommateurs l'impression infondée qu'un produit n'a pas d'impact négatif sur l'environnement. En outre, dans près de 60% des cas, les entreprises n'avaient pas fourni de preuves facilement accessibles à l'appui de leurs allégations.
De nouvelles normes devraient à l'avenir garantir que les indications vagues ne seront plus autorisées. La Commission européenne a l'intention de présenter une nouvelle proposition en mars. Il faut ensuite pouvoir démontrer comment les différentes promesses sont mises en œuvre. La NZZ en a reçu un projet.
Plaintes pour plus d'informations
La pression sur les entreprises ne cesse de croître. Les autorités européennes ont reconnu que les affirmations trompeuses pouvaient constituer un obstacle à la transition vers le zéro net, explique par exemple Johnny White, avocat chez Client Earth. L'ONG tente d'accélérer la mise en œuvre des objectifs climatiques par le biais de la voie juridique, avec de plus en plus de succès. «Dans ce domaine, nous attendons plus de contrôles réglementaires, et non moins», dit-il.
Le nombre de plaintes est également en augmentation. Client Earth est lui-même impliqué dans certaines d'entre elles, par exemple contre l'entreprise énergétique française Total Energies et la compagnie aérienne néerlandaise KLM.
Les campagnes visent aussi et surtout les promesses «zéro net» des entreprises. Des entreprises comme Total Energies rejettent cependant les accusations de greenwashing.
Dans ce contexte, les militants déplorent, lors de l'entretien, que les cas soient principalement présentés par des organisations non gouvernementales. «C'est un problème», explique Gilles Dufrasne de Carbon Market Watch, une ONG qui s'occupe principalement de la crédibilité des marchés des émissions et des certificats de CO2. «Attendre des organisations non gouvernementales qu'elles intentent des actions en justice n'est pas une manière efficace de faire respecter les règles», explique M. Dufrasne.
L'écoblanchiment est un phénomène relativement récent. La loi doit être adaptée en conséquence aux nouvelles réalités, c'est ce que les militants ne cessent de réclamer. Les autorités doivent être aidées dans le développement de leurs connaissances et des capacités nécessaires. En 2020, le cabinet d'avocats Linklaters avait déjà mis en garde contre le fait que les autorités nationales compétentes ne pourraient interdire les allégations trompeuses qu'au cas par cas. Notons-le aussi: les fausses déclarations ne sont pas toujours intentionnelles; il y a une grande marge d'interprétation et aucune règle contraignante, ce qui expose également les entreprises à des risques imprévisibles en termes de responsabilité et de réputation.
En attendant, les ONG travaillent à fournir des chiffres et des preuves. Elles veulent montrer que les entreprises ont plutôt peu à montrer en ce qui concerne leurs promesses vertes, si l'on se donne la peine de les examiner de près. Ainsi, une nouvelle étude a analysé 24 grandes entreprises sur leurs stratégies de mise en œuvre de leurs propres objectifs climatiques, en particulier les émissions zéro net. Résultat?
Aucun des plans climatiques n'est totalement convaincant, selon l'enquête. La compagnie maritime danoise Maersk a été la seule entreprise à être qualifiée de «raisonnable», tandis qu'Apple, ArcelorMittal, Google, H&M Group, Holcim, Microsoft, Stellantis et Thyssen-Krupp ont obtenu un «modéré» dans leur évaluation.
Un avantage concurrentiel grâce à la connaissance?
Certaines autorités interviennent déjà davantage pour faire respecter les règles existantes. Selon la législation européenne sur la protection des consommateurs, les allégations environnementales doivent être étayées par des preuves, explique Johnny White, de Client Earth. Par exemple, l'autorité britannique de surveillance des marchés examine les allégations publicitaires du secteur de la mode et, depuis le mois dernier, celles qui concernent les produits alimentaires de base et les produits ménagers. L'autorité néerlandaise a déjà pris des mesures contre des marques de mode comme H&M, et Ryanair a également été sommée de modifier ses pratiques. Dans le même temps, une autorité française enquête sur Total Energies.
L'industrie elle-même, par exemple par le biais d'organismes d'autorégulation du secteur publicitaire, s'occupe d'un nombre croissant de plaintes - et exige des changements de comportement. Ainsi, face au «manque de compréhension et de consensus sur la signification des déclarations 'climatiquement neutre' et 'zéro net'», l'Autorité britannique de surveillance de la publicité (ASA) a publié en février de nouvelles lignes directrices non contraignantes.
Les entreprises devraient, entre autres, éviter les affirmations non qualifiées, telles que «climatiquement neutre», «zéro net» ou autres. Les références aux objectifs futurs et à la réalisation de l'objectif zéro net doivent être fondées sur une stratégie vérifiable. De nombreuses entreprises achètent des certificats de compensation pour atteindre leurs objectifs, ce qui s'est à nouveau avéré risqué il y a quelques semaines à peine, à la suite d'une nouvelle enquête. Les marketeurs devraient également fournir des informations à ce sujet, selon le régulateur britannique.
Les consommateurs doivent pouvoir avoir confiance dans les informations pour faire des choix durables, affirme également Saskia Bierling, de l'Autorité néerlandaise pour la protection des consommateurs et des marchés (Authority for Consumers and Markets). Cela permet non seulement d'apaiser sa propre conscience, mais c'est aussi utile parce que des informations vagues et trompeuses sapent la confiance dans les efforts des entreprises. «Cela nuit également aux entreprises qui s'efforcent sérieusement de produire de manière plus durable», déclare Saskia Bierling.
Avec cette attention croissante aux informations fournies, certaines entreprises craignent en effet de nuire à leur réputation plutôt que de l'améliorer avec des publicités respectueuses du climat. «Les labels ’climatiquement neutre’ font l'objet de critiques depuis des mois. Jusqu'à présent, ma position était la suivante: tant que les projets de protection du climat qui se cachent derrière ne sont pas remis en question, on peut aussi gérer la critique des labels. Mais maintenant, je me pose la question: Quel client perçoit encore cela comme une valeur ajoutée?», a par exemple déclaré Raoul Rossmann à l'hebdomadaire «Die Zeit», après que de nouvelles études eurent montré qu'une grande quantité de certificats obtenus grâce à des projets de protection des forêts tropicales n'avaient pas permis de réduire réellement les émissions. Il est possible qu'on perde maintenant «une incitation à agir de manière durable», a déclaré R. Rossmann en colère.
Qu'est-ce qui se cache derrière les labels?
Il n'est pas le seul à s'agacer des pièges de la neutralité climatique. Dans l'UE, des militants travaillent à ce que les entreprises ne puissent plus à l'avenir se commercialiser comme climatiquement neutres. Et en Suisse aussi, on a appris publiquement fin décembre que la Commission Suisse pour la Loyauté enquêtait sur une éventuelle publicité trompeuse de la Fifa sur la neutralité climatique de la Coupe du monde de football au Qatar – suite à la pression des militants du climat.
Pour le client qui se trouve au supermarché, devant la télévision ou dans un magasin de vêtements, il est difficile de se faire une idée claire de l'ampleur des dommages causés au climat - ou alors pas du tout. Des enquêtes menées par l'autorité néerlandaise l’ont montré: la plupart des gens n'ont qu'une compréhension très vague de ce qui se cache derrière les affirmations de neutralité climatique. Pour beaucoup, la fiabilité de la compensation des émissions n'est absolument pas claire, déplorent les défenseurs des consommateurs.
La confiance des consommateurs dans les indications vertes est de toute façon déjà assez faible. Une enquête publique de la Commission européenne a suggéré que les indications environnementales sur les produits n'inspiraient guère confiance. Parallèlement, une évaluation de 232 écolabels actifs dans l'UE a montré que la vérification était soit insuffisante, soit inexistante pour près de la moitié d'entre eux. Comment augmenter la confiance? Selon les résultats de l'étude, outre la certitude que les données sont scientifiquement fondées, l'accès à des informations plus détaillées et des méthodes coordonnées au niveau de l'UE pourraient être utiles.
C'est précisément ce que vise désormais Bruxelles. En mars, la Commission a proposé des modifications de la directive sur les pratiques commerciales déloyales. Entre autres, la liste des caractéristiques de produits sur lesquelles le commerçant ne doit pas induire les consommateurs en erreur a été étendue aux impacts environnementaux ou sociaux. A l'avenir, les déclarations qui commercialisent les performances environnementales futures sans engagements et buts clairs, objectifs et vérifiables, seront également considérées comme trompeuses.
Bruxelles veut interdire les déclarations générales et vagues, à moins que la performance environnementale du produit ou du distributeur ne puisse être prouvée. En constituent quelques exemples les déclarations générales telles que «respectueux de l'environnement», «éco» ou «vert», qui créent à tort l'impression d'une «excellente» performance environnementale, selon la proposition actuellement négociée à Bruxelles. Les labels de durabilité librement choisis devraient à l'avenir être contrôlés par un tiers ou par une autorité. Dans les semaines à venir, la Commission européenne publiera d'autres propositions visant à garantir la fiabilité, la comparabilité et le caractère vérifiable des assertions environnementales.
Tout le monde ne partage pas l'avis selon lequel il faut davantage d'interventions bureaucratiques et compliquées. Les entreprises européennes s'inquiètent des nouveaux coûts et de la charge de travail. La Fédération du commerce de détail et de gros, par exemple, a critiqué les propositions, les jugeant trop larges et trop étendues, et a mis en garde contre le fait que les entreprises pourraient être moins incitées à faire de la publicité pour des causes vertes.
L'été dernier, la tentative pour introduire une interdiction explicite de l'écoblanchiment a échoué en Suisse. Déclaration du Conseil national: il n'y a pas d'urgence à agir, des règles permettant déjà des sanctions. Enfin, une telle interdiction serait «peu praticable, car la clarification de la question de savoir si un produit concret peut être présenté comme climatiquement neutre ou respectueux de l'environnement serait à chaque fois liée à une grande charge administrative».