Mesures insuffisantes
Face à de tels chiffres, les politiques ne sont pas restés inactifs, tant au niveau national que cantonal. Ainsi, la Confédération a lancé en 2017 un "Plan d'action Stratégie Biodiversité", qui est également mis en œuvre depuis lors dans le cadre de multiples projets. Sans ces efforts, les experts estiment que l'état de la biodiversité en Suisse serait probablement encore bien pire. "Les analyses scientifiques montrent que l'entretien des zones protégées, la mise en réseau des habitats et les mesures de promotion spécifiques aux espèces sont efficaces", explique Katrin Schneeberger. "Cela a permis de freiner la perte de biodiversité. Mais de telles mesures ne suffisent pas à inverser la tendance".
Selon l'OFEV, il est nécessaire d'adopter une approche globale qui intègre tous les domaines de la société, comme la production durable de biens et de services, notamment de denrées alimentaires. Le fait que l'empreinte écologique de la population suisse soit encore supérieure à la moyenne en comparaison internationale va dans ce sens. Selon une étude de l'OFEV, chaque personne vivant dans notre pays consomme en moyenne 2,8 fois plus de prestations et de ressources environnementales que ce qui est encore disponible par personne à l'échelle mondiale.
Une large alliance
La question est de savoir quelle direction la Suisse doit prendre pour préserver la biodiversité. Les instruments utilisés jusqu'à présent sont-ils suffisants ou faut-il agir plus durement ? Les avis divergent en partie sur ce point. Dans quelques semaines, le 22 septembre 2024, les citoyens auront l'occasion de se prononcer : L'initiative populaire fédérale "Pour l'avenir de notre nature et de nos paysages" (initiative sur la biodiversité) sera soumise au vote. Déposée il y a presque quatre ans avec 107'885 signatures, elle est aujourd'hui soutenue par une large coalition de plus de 50 organisations issues de l'agriculture, des régions de montagne, de la pêche, de la protection des eaux, des parcs ainsi que de la protection de la nature et du paysage. Leurs revendications sont résumées : La Confédération et les cantons doivent être tenus, par le biais d'un nouvel article constitutionnel, de mieux protéger la nature, les paysages dignes de protection, les sites construits et les monuments culturels. En outre, les pouvoirs publics doivent mettre à disposition davantage de surfaces et de moyens financiers pour la conservation et la promotion de la biodiversité.
Contre-projet rejeté
Le Conseil fédéral et le Parlement vont trop loin dans ces exigences. Après de longues discussions, ils se sont donc prononcés contre l'initiative sur la biodiversité. Selon eux, l'acceptation de l'initiative limiterait fortement la production durable d'énergie et de denrées alimentaires, ainsi que l'utilisation de la forêt et de l'espace rural pour le tourisme. L'extension demandée des surfaces protégées réduit en outre les compétences et la marge de manœuvre des cantons. En outre, les pouvoirs publics devraient faire face à des dépenses supplémentaires de 375 à 440 millions de francs.
Un contre-projet, auquel les initiateurs avaient tendu la main, n'a pas vu le jour. Beaucoup l'ont regretté. Le contre-projet prévoyait dans un premier temps d'augmenter la part des surfaces de biodiversité ou de protection en Suisse de 13 à 17 pour cent. Le Conseil national a ensuite supprimé ce chiffre dans l'espoir de convaincre le Conseil des Etats avec une variante plus édulcorée. Mais sans succès.
La crainte d'une hausse des prix
L'alliance contre l'initiative biodiversité comprend notamment l'Union suisse des paysans (USP), le Groupement suisse pour les régions de montagne, Forêt Suisse, l'Association faîtière des énergies renouvelables (AEE) et l'Association des entreprises électriques suisses ainsi que l'Union suisse des arts et métiers. L'USP souligne que l'initiative sur la biodiversité est trop extrême et qu'elle n'est donc pas la bonne solution. Elle rappelle que les exploitations agricoles font déjà beaucoup pour la biodiversité. Ainsi, la part moyenne des surfaces de promotion de la biodiversité sur la surface agricole utile est de 19,3 pour cent. Au total, il s'agit de plus de 190 000 hectares de terres, ce qui correspond à peu près à la taille des deux cantons de Zurich et de Zoug. Au lieu de délimiter encore plus de surfaces en faveur de la diversité des espèces, il faudrait d'abord utiliser de manière optimale le potentiel écologique des surfaces de promotion existantes, explique-t-on. Si moins de surfaces peuvent être utilisées à l'avenir pour l'agriculture et la sylviculture, la production d'énergie et de denrées alimentaires sera inévitablement plus chère. Cela entraînerait une augmentation des importations.
Dans le secteur de la construction, on craint le blocage de nombreux projets si la protection des sites est encore renforcée en cas de oui dans les urnes. "L'initiative sur la biodiversité aggrave considérablement le risque d'un arrêt de la construction et met en danger le développement nécessaire de l'urbanisation vers l'intérieur", met en garde la Société suisse des entrepreneurs.
Effets du changement climatique
Si l'on en croit les partisans, la Suisse fait en revanche encore beaucoup trop peu pour la protection de l'environnement et la préservation des paysages. Ils mettent dans la balance le fait qu'une nature intacte protège de l'érosion et des inondations en cas de fortes pluies et qu'elle doit être considérée comme un allié puissant dans la lutte contre le changement climatique. C'est précisément pour cette raison que les initiateurs demandent qu'à l'avenir, une surface nettement plus importante du pays soit mise à disposition pour la biodiversité - actuellement, ils considèrent que seuls 8 pour cent sont suffisamment protégés.