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Ein Feuerwehrmann löscht ein Feuer in einem Wald in Kanada

Les nombreux arbres endommagés lors de forêt au Canada pourraient être enterrés afin de stocker leur carbone durablement dans le sol, suggère une nouvelle étude. Photo: Imago

Climat et énergie

Et si on enfouissait les arbres pour préserver le climat?

Une étude suggère que l’enfouissement des restes végétaux à quelques mètres sous le sol pourrait effacer jusqu’au quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Une idée appuyée par la découverte inopinée d’un arbre multimillénaire presque intact dans le sol québécois.

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Et si on enfouissait les arbres pour préserver le climat?

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C’est l’histoire d’une hypothèse confirmée par hasard. En mars 2013, près de Montréal, un groupe de scientifiques américains et canadiens avait entrepris de stocker quelques morceaux de bois sous terre, à différentes profondeurs, pour vérifier, dans la durée, qu’ils ne se dégradent pas et que leur carbone ne s’échappe pas dans l’atmosphère.

En creusant pour préparer l’expérience, la pelleteuse est tombée sur un vieux tronc de genévrier de Virginie, enfoui dans de l’argile et saturé d’eau, deux mètres sous la surface du sol. Vieux de 3775 ans, à trente-cinq ans près, selon des datations au carbone 14. Mis à sécher en laboratoire dans la foulée, le bois noirci a fini par être étudié avec soin neuf ans plus tard, pour déterminer sa structure microscopique, sa tenue mécanique, sa densité et sa composition chimique…

L’argile, un linceul pour le carbone

Ce tronc antédiluvien s’est avéré structurellement et chimiquement quasi identique à du bois de la même espèce, mais fraîchement coupé. Un effet de son isolement dans l’argile du sol, qui, faute d’oxygène, a empêché les micro-organismes de le grignoter. Ce linceul d’argile a permis de conserver plus de 95% du carbone originel: l’arbre n’a quasiment pas rejeté de gaz carbonique dans l’atmosphère!

De quoi confirmer l’idée un peu folle que Ning Zeng (Université du Maryland) et ses collègues défendent cette semaine dans les colonnes de Science: et si nous creusions pour enfouir des arbres et nous assurer que leur carbone ne s’échappe pas dans l’atmosphère? Ce serait un moyen de freiner le réchauffement climatique, le temps que l’humanité revienne à la raison et s’empare sans sourciller de cette question douloureuse.

Sur l’expérience d’enfouissement engagée en 2013, Ning Zeng n’en dit guère. «L’étude est toujours en cours. Nous sommes retournés en 2022 pour prélever quelques échantillons enfouis à différentes profondeurs, et nous préparons un article qui décrira les résultats de ces premières analyses. Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’ils sont très encourageants.»

Revenons un instant aux racines de ces travaux sur les arbres. Comme tout organisme basé sur la photosynthèse, un arbre grandit en captant du dioxyde de carbone dans l’atmosphère, dont il stocke le carbone. Une partie du feuillage et des branches tombées sur le sol crée l’humus qui conserve du carbone dans le sol.

Mais quand un tronc vient à tomber, par exemple au cours d’une tempête ou après un incendie, la majeure partie du végétal sera consommée par des micro-organismes, qui relarguent du dioxyde de carbone dans l’atmosphère. De quoi atténuer les bénéfices pour le climat. En revanche, tout arbre transformé en meubles ou en bâtiment stocke son carbone durablement.

Feux de forêt au Canada

Feux de forêt au Canada. Photo: Imago

Un quart de nos émissions pourraient être effacées

«Notre idée n’est pas d’entrer en compétition avec les usages durables du bois, insiste Ning Zeng. Mais il en existe des quantités considérables qui ne sont pas utilisées, et qui rendront progressivement leur carbone à l’atmosphère si on ne fait rien. Notre projet est d’enfouir cette matière-là. Par exemple, les arbres morts mais non consumés par les incendies spectaculaires du Canada cet été, vont finir par tomber et pourrir. Dans le sous-sol, ils éviteraient beaucoup d’émissions de CO2.»

Venons-en aux chiffres. Un mètre cube de bois protégé de la décomposition, ou enfoui dans les conditions prônées par les défenseurs de cette idée, évite en moyenne le rejet d’une tonne de dioxyde de carbone. Ning Zeng calcule ainsi qu’on pourrait ensevelir chaque année pas moins de 10 milliards de mètres cubes de bois non utilisés, et ainsi effacer dix gigatonnes de CO2, soit 27% de nos émissions actuelles.

Le tout, estime ce groupe, avec un coût d’enfouissement compris entre 30 et 100 dollars la tonne équivalent CO2. Bien loin des quelque 1000 dollars la tonne pour la capture directe de CO2 dans l’atmosphère, proposée par une poignée de start-up dont la suisse Climeworks avec son usine en Islande.

Si les chiffres avancés dans Science ont de quoi séduire des politiques peu enclins à légiférer pour freiner nos émissions de gaz à effet de serre, une question essentielle surgit. Si nous devions créer des millions de réservoirs souterrains de bois dans les régions au sous-sol approprié – il y en a dans tous les continents, à l’exclusion de l’Antarctique –, quel serait l’impact sur la biodiversité et l’activité des organismes qui vivent dans le sol?

«Nous y avons réfléchi avec l’agronome dans notre équipe, justifie Ning Zeng. Les conséquences seraient très limitées. Un hectare suffit pour enfouir le bois mort collecté sur une superficie mille fois plus grande.» Le chercheur convient néanmoins que le sujet devra être approfondi.

Une source de revenus, notamment dans les régions tropicales

Que deviendraient les sols ainsi utilisés pour enfouir les arbres? «Notre idée est de remettre les différentes couches de terre extraites comme elles étaient avant, pour perturber le moins possible la biodiversité. Cela pourrait permettre de réhabiliter des régions qui ont été dévastées par la déforestation, comme le million d’hectares d’arbres qui ont disparu d’Amazonie depuis cinquante ans. Les sols peu productifs des régions tropicales sont parfaitement adaptés à l’enfouissement, ce serait une manière de fournir un revenu aux populations concernées.»

Ning Zeng l’a vérifié cet été, en prélevant de la terre au Brésil. «Ces échantillons sont encore plus imperméables que les argiles de Montréal. Après que l’Occident a exploité le Sud global, puis impose une sorte de colonialisme climatique en demandant à ces pays de préserver leurs forêts, ce serait un juste retour des choses si les populations du sud pouvaient tirer profit de l’enfouissement d’arbres morts.»

Bien évidemment, une telle méthode de géo-ingénierie du climat suppose un cadre légal très strict, vraisemblablement négocié au niveau de la convention de l’ONU sur le climat (UNFCC). «Il faudra s’assurer que le bois ne sera pas extrait pendant une longue période, par exemple un millier d’années, le temps que la crise climatique soit derrière nous. Dans un avenir lointain, notre climat finira par replonger dans un âge glaciaire. Ce sera le moment de ressortir ce bois et de le brûler pour freiner le refroidissement, sourit Ning Zeng. Mais là, c’est de la science-fiction!»

Denis Delbecq, «Le Temps» (26.09.24)

Sustainable Switzerland publie ici des contenus de Le Temps.

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