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Kumar Agrawal, professeur à l’EPFL: «Notre approche révèle un potentiel immense, car elle permet d’économiser beaucoup d’énergie.» Photo: EPFL

Climat et énergie Contenu du partenaire: EPFL

Le gaz climatique en circuit fermé

La lutte contre la crise climatique passe inévitablement par une réduction de nos émissions de dioxyde de carbone. Mais ce gaz doit également être capté et stocké. À cet effet, l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) développe un projet pilote, unique en son genre.

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Les données du problème sont limpides: les gaz à effet de serre présents dans l’atmosphère, et notamment le dioxyde de carbone, accélèrent la crise climatique. Nous n’avons plus le choix, il faut atteindre le fameux «zéro net» et cesser, à terme, d’émettre des gaz à effet de serre. Mais le chemin est loin d’être facile. Nous ne pouvons pas renoncer immédiatement et totalement aux énergies fossiles, source d’émissions nocives. Par ailleurs, une fois libérés dans l’atmosphère, les gaz à effet de serre continueront d’agir pendant longtemps encore. Le dioxyde de carbone, notamment, y restera pendant plusieurs siècles.

Fixer de nouveaux critères

Mais le temps presse, et il est à craindre que nous ne parvenions pas à atteindre nos objectifs climatiques. Pour éviter de foncer droit dans le mur, nous devons réduire au maximum les émissions de gaz à effet de serre, tout en captant le dioxyde de carbone déjà libéré. Plusieurs approches technologiques sont en cours de développement. Toutes n’ont pas encore atteint la phase de commercialisation.

L’EPFL fait oeuvre de pionnier en la matière avec un projet de captage, d’utilisation et de stockage du carbone à haut rendement énergétique au sein d’un système fermé – dans l’esprit d’une économie durable et circulaire.

Concrètement, une initiative de financement interne de l’EPFL (voir l’encadré) a permis de développer un démonstrateur sur le campus de l’EPFL Valais. Ce projet pilote est le fruit d’une collaboration entre plusieurs groupes de recherche aux travaux complémentaires. Les partenaires mutualisent leurs connaissances, simulent de nouvelles approches, les développent, avant de viser, dans le meilleur des cas, la maturité commerciale. L’objectif est de capter et de traiter jusqu’à une tonne de dioxyde de carbone par jour.

Ce gaz climatique sera capté et fixé avec précision dans une installation industrielle, ainsi que dans l’atmosphère. Il sera ensuite transformé en énergie synthétique et en produits chimiques à haute valeur ajoutée. Il pourra également être stocké à court ou long terme, par exemple à plusieurs kilomètres de profondeur dans le sous-sol.

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Un démonstrateur est en cours de développement sur le campus valaisan de l’EPFL. Ce projet pilote implique plusieurs groupes de recherche.

Dans le domaine du captage du carbone, certaines technologies matures sont déjà commercialisées. Mais elles sont chères et gourmandes en énergie, «et donc pas très écologiques», explique le Prof. Kumar Agrawal, directeur du Laboratory of Advanced Separations et chef du projet de démonstrateur. «Notre approche révèle un potentiel immense, car elle permet d’économiser beaucoup d’énergie.»

Avec son équipe, le Prof. Agrawal a développé des membranes en graphène pour le captage du dioxyde de carbone. Ce matériau est composé de molécules de carbone disposées géométriquement sous forme d’alvéoles en couches d’un atome d’épaisseur seulement. Ses applications variées se révèlent prometteuses. «Cela crée beaucoup de remous sur le terrain», constate le Prof. Agrawal.

Membranes grand format

Dans un premier temps, le professeur et son équipe de l’EPFL ont développé un procédé de fabrication de membranes ultrafines en graphène qui ne se cassent pas et ne se déchirent pas. L’étape suivante a consisté à percer les membranes avec précision pour filtrer le dioxyde de carbone de manière ciblée.

Les démonstrateurs à petite échelle ont montré que cette approche du captage de carbone fonctionne, à la fois pour les sources ponctuelles et, dans une moindre mesure, pour le carbone de l’atmosphère. Désormais, comme pour les autres composantes du projet, il s’agit de passer à l’échelle. «Pour l’instant, nous n’en sommes qu’à la première phase, à savoir la production de membranes de grand format», explique le Prof. Agrawal. «Nous passerons ensuite à la construction et à la mise en service du démonstrateur»: un test de réalité et de durabilité pour ces nouvelles technologies.

La collaboration avec le centre de collecte et d’incinération des déchets d’Enevi, situé au coeur du Valais, incarne cette ambition. «L’installation produit déjà de la chaleur pour l’EPFL», précise le Prof. Agrawal. «Nous voulons désormais capter son dioxyde de carbone avec nos membranes et réduire encore davantage l’empreinte écologique de l’EPFL.» Outre le captage, la technologie de conversion du dioxyde de carbone en méthane est également opérationnelle.

Le stockage du dioxyde de carbone, en revanche, sera simulé. Jusqu’à présent, il n’a pu être calculé qu’en laboratoire, avec un ordre de grandeur de quelques centimètres. Il s’agit notamment d’étudier les interactions entre la roche et le gaz à une profondeur d’un kilomètre, où règnent des pressions et des contraintes élevées. Dans la pratique, de telles expériences seraient trop coûteuses et trop complexes à réaliser.

Grâce au démonstrateur, il sera désormais question de mètres pour la première fois, avec du dioxyde de carbone capté réellement et un simulateur unique en son genre. Celui-ci montrera, dans des conditions contrôlées, les effets des différentes stratégies de stockage du dioxyde de carbone ou encore la présence de fuites dans les dépôts. En cas de succès, les données 3D pertinentes seront collectées à l’aide d’instruments de haute précision – ce qui entraînera des progrès décisifs dans l’ensemble du champ de recherche.

Il faudra impérativement mettre ces technologies à l’échelle afin de convaincre les partenaires industriels de leur pertinence. «Ces derniers n’aiment pas miser sur des approches de laboratoire », ajoute le Prof. Agrawal. «Avec le démonstrateur, nous travaillons à une échelle moyenne, certes – mais nos résultats prouvent la faisabilité commerciale de notre approche.»

Utilisation commerciale

Le secteur économique témoigne un grand intérêt pour ces recherches. À lui seul, le groupe du Prof. Agrawal est en lien avec des entreprises de la construction mécanique et navale, de l’acier et du ciment, sans oublier les entreprises de traitement des déchets. Le fournisseur d’énergie Gaznat finance la chaire du Prof. Agrawal. «Nos partenaires industriels vont analyser de près les résultats de notre démonstrateur», ajoute-t-il. «Ils souhaitent notre réussite.»

L’enjeu est de taille, car la crise climatique exige une réponse rapide et globale. Le démonstrateur incarne la possibilité d’une solution en circuit fermé pour le captage, l’utilisation et le stockage du dioxyde de carbone. Si les résultats sont probants, cette approche pourra être mise en oeuvre commercialement dans le monde entier.

Agir de manière durable

Réduire les émissions de l’EPFL

L’EPFL poursuit une stratégie ambitieuse en matière de climat et de durabilité. L’initiative «Solutions4Sustainability » (S4S) s’appuie sur ses propres capacités de recherche et d’innovation, notamment pour l’énergie verte, le stockage et la durabilité (GESS), ainsi que pour la capture, l’utilisation et le stockage du carbone (CCUS). Les projets de démonstrateurs doivent permettre de développer des solutions durables sur le campus. Ils visent à réduire la dépendance énergétique ainsi que les émissions de carbone de l’EPFL.

L’EPFL développe actuellement sept projets, impliquant un total de 26 laboratoires sur trois sites. Ces projets sont divisés en deux catégories: cinq d’une durée de deux ans chacun; et deux grands projets, d’une durée de six ans chacun. Le projet «Energy- Efficient Carbon Capture, Usage & Storage for Sustainable and Circular Economy» (SusEcoCCus) est dirigé par le Prof. Kumar Agrawal. Il est doté d’un budget total de neuf millions de francs pour le développement d’un circuit fermé de captage, d’utilisation et de stockage du dioxyde de carbone.

Déclaration : Ce contenu a été réalisé par la rédaction de Sustainable Switzerland pour le compte de l'EPFL.

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