Installation chez le client
Depuis quelques mois, à Bulle (FR), Gruyère Hydrogen Power (GHP), une filiale de Gruyère Energie, poursuit une autre approche. Plutôt que de produire et de livrer de l’hydrogène vert à sa clientèle sur de longues distances, l’hydrogène est produit littéralement sur le pas de la porte du client ou de la cliente. Ainsi, deux installations d’électrolyse d’une puissance totale de deux mégawatts ont été installées à moins d’une centaine de mètres du client principal, Liebherr Machines. «Nous contournons ainsi les défis logistiques liés au transport», explique Patrick Sudan, directeur général de GHP. «Mais nous devons développer une source d’énergie pour le processus de conversion.» C’est précisément là que le bât blesse, à ce stade précoce du projet. «Pour l’instant, nous utilisons l’énergie du réseau pour l’électrolyse», ajoute-t-il. Mais tout ceci devrait changer dans un avenir proche, avec la construction d’une installation photovoltaïque et d’une centrale de cogénération à base de bois, également à proximité de l’installation.
«Bien évidemment, il s’agit d’investissements importants», déclare M. Sudan, «mais nous poursuivons une vision dont nous profiterons pendant les années à venir.» Actuellement, l’installation produit jusqu’à 100 à 200 kilogrammes d’hydrogène par jour – mais pas tous les jours. Le volume de production réel varie considérablement, car GHP produit l’hydrogène à la demande. «Nous exploitons en outre un réservoir de stockage solide pour 200 kilogrammes d’hydrogène, ce qui nous permet de réagir rapidement aux demandes plus importantes», explique M. Sudan.
Pour être rentable, l’installation devra produire entre 100 000 et 150 000 kilogrammes d’hydrogène par an – une perspective encore lointaine. «Pour l’instant, nous sommes très satisfaits du fonctionnement de l’installation», déclare M. Sudan, «en dépit de ses défauts de jeunesse.»
Stockage d’hydrogène à l’état solide
Chez GRZ Technologies, à Avenches (VD), tout tourne autour du stockage décentralisé. «Il faut développer ces systèmes, si nous voulons harmoniser la production d’énergie renouvelable et sa consommation», explique le directeur Noris Gallandat. À ce jour, l’hydrogène est généralement stocké sous forme comprimée dans des bouteilles de conteneur ou liquéfié à des températures extrêmement basses.
GRZ adopte une approche différente. «Pour faire simple, nous avons développé une éponge à hydrogène», explique M. Gallandat. Ce stockage d’hydrogène à l’état solide fonctionne à basse pression, ce qui accroît la sécurité de l’ensemble du système. Les modules de stockage peuvent être combinés à souhait à température ambiante normale, de manière à ce que la clientèle puisse disposer sur place du volume de stockage qui lui convient.
Ce système est très demandé, même à l’étranger. «Nous nous adressons à l’industrie lourde, mais aussi aux stations-service et aux producteurs d’énergie renouvelable », explique M. Gallandat. Par exemple, le plus grand parc solaire d’Europe, en Allemagne, utilise les modules de stockage de GRZ pour stocker son surplus de production. Un autre développement innovant de l’entreprise est un réacteur de méthanisation qui transforme le CO2 et l’hydrogène en méthane synthétique, doté de propriétés identiques au gaz naturel ordinaire.
Réacteur de méthanisation
La méthanisation joue un rôle central dans le projet GreenGas du fournisseur d’énergie Gaznat à Aigle (VD). Gaznat est l’opérateur officiel du réseau gazier romand et de son infrastructure. Sur le site de l’entreprise, une installation power-togas convertit l’électricité excédentaire en hydrogène par électrolyse, puis en méthane synthétique avec du CO2. Ce réacteur de méthanisation a été spécialement conçu à l’EPFL.
Des membranes de graphène nanoporeuses – autre innovation développée à l’EPFL (voir le rapport en p. 6) – permettent de capter le CO2 dans les gaz de combustion de deux installations de cogénération voisines et de l’acheminer vers le processus de méthanisation. «Cependant, la quantité de gaz de combustion n’est pas suffisante pour nos besoins», explique Gilles Verdan, responsable des activités de réseau et CEO de Gaznat. «Nous acheminons du CO2 supplémentaire depuis plusieurs installations industrielles en Suisse et contribuons ainsi à réintroduire le CO2 dans le cycle énergétique.»
L’engagement de Gaznat se manifeste également à travers l’Innovation Lab, inaugurée en août 2023. «Ce labo sert principalement à tester et à surveiller notre installation», explique M. Verdan. «Mais nous souhaitons désormais le mettre à la disposition des instituts de recherche et des start-ups sous forme de plateforme d’essai pour leurs développements. » Nous avons déjà de nombreux contacts et demandes en ce sens – un signe que le potentiel de ce gaz est reconnu.