Trois technologies qui ont le vent en poupe ces dernières années
Ne vous trompez pas de solution! Les rapports du GIEC sont toujours une bonne occasion pour les activistes de s'en prendre aux technologies qu'ils jugent dangereuses ou condamnables. Il s'agit généralement de technologies qui capturent le carbone et permettent ainsi de continuer à utiliser des combustibles fossiles ou des industries polluant l'atmosphère, et de diluer ainsi le message des militants sur la nécessité – et l'urgence – de mettre fin au charbon, au pétrole et au gaz naturel.
Mais certaines technologies sont devenues incontournables. Ce sont des éléments constitutifs d'une économie zéro net. Elles sont nécessaires pour maintenir en vie les objectifs de température de l'Accord de Paris sur le climat. La NZZ s'est penchée sur trois technologies qui ont le vent en poupe ces dernières années.
1. CO₂ de l'air
Le dioxyde de carbone doit être éliminé de l'atmosphère
Sans un prélèvement permanent de CO₂ dans l'air, les objectifs climatiques de l'Accord de Paris ne pourront pas être atteints. On en prend de plus en plus conscience. Les gouvernements ne pourront pas réduire absolument à zéro leurs émissions de gaz à effet de serre d'ici le milieu du siècle. L'agriculture, le transport aérien et maritime ou encore la production de ciment – tous ces domaines génèrent des émissions qui ne peuvent pas être totalement évitées. Les émissions doivent donc être compensées en conséquence.
On pense notamment à des méthodes naturelles et peu controversées comme le reboisement, la protection des forêts ou la remise en eau des marais. Les arbres et les marais extraient le CO₂ de l'air et le stockent. En ce qui concerne le captage technique du CO₂, qui fait l'objet d'un débat public plus controversé, on parle souvent ces temps-ci de captage direct de l'air, une technique qui consiste à filtrer le dioxyde de carbone de l'air. L'entreprise suisse Climeworks a fait connaître cette méthode en mettant en service la première – et très petite – installation à cet effet, en Islande en 2021. Pour le stockage, le CO₂ peut ensuite être injecté dans un réservoir souterrain. D'autres méthodes misent sur l'altération des roches, un processus qui capte le CO₂, ou encore sur la combinaison de la combustion de la biomasse avec des techniques de capture et de stockage du CO₂ – l'énergie libérée lors de la combustion pouvant alors être utilisée pour la production d'électricité.
Les défis et les risques sont nombreux. Chaque année, environ 2 gigatonnes de CO₂ sont encore extraites de l'atmosphère, principalement par les arbres et autres plantes. Le double serait nécessaire d'ici 2050 pour ne pas dépasser les 1.5°, selon les chercheurs. A eux seuls, forêts et marais ne suffisent pas. Mais de nombreuses techniques, aujourd'hui encore en phase de test, ne sont pas utilisables à l'échelle industrielle. En même temps, elles sont chères et consomment beaucoup d'énergie. Certaines méthodes d'utilisation des terres, respectueuses du climat, ont également des effets secondaires problématiques.
Cependant, compte tenu de l'urgence qu’il y a à réduire réellement les émissions dans un délai limité, la demande de captage du CO₂ augmente. Les choses bougent sur le marché, les innovations se multiplient. Les gouvernements commencent également à bouger lentement. Ainsi, en 2020, l'UE a décidé d'un nouvel objectif climatique pour 2030, qui mise également sur le captage de CO₂. Depuis l'automne, Bruxelles travaille à la mise en place d'un système visant à garantir que le prélèvement et le stockage du carbone ont bien lieu, que ce soit par des mesures techniques ou par les marais, les arbres et autres plantes. Cela devrait également créer de nouvelles incitations à stocker davantage de CO₂.
Un débat politique s'engage de plus en plus sur les méthodes naturelles et techniques de captage du CO₂ – ainsi que sur les risques qui y sont associés. Et c'est important. Pendant longtemps, les activistes ont fait pression contre ces technologies, poussés par la crainte qu'elles ne détournent l'attention des nécessaires réductions d'émissions.
Cette semaine encore, on a pu lire cette crainte dans les réactions des ONG, inquiétude qui n'est pas totalement infondée. Le prélèvement de dioxyde de carbone est certes un complément nécessaire à la réduction des émissions, mais il ne s'agit pas d'un substitut qui permettrait de continuer à utiliser les combustibles fossiles en toute insouciance. Le fait que les gouvernements des pays producteurs de pétrole, comme l'Arabie saoudite, insistent toujours pour que ces technologies soient mentionnées en bonne place dans le cadre des négociations du GIEC, renforce la méfiance de nombreux militants à l'égard de ces méthodes. La question de savoir dans quelle mesure le prélèvement de CO₂ est finalement une manœuvre de diversion influencera certainement les discussions des années à venir.
2. Le carbone dan le sous-sol
Les gouvernements recherchent de nouveaux dépôts pour le CO₂
Les technologies de captage et de stockage du CO₂ (technologies de capture et de stockage du carbone, ou Carbon Capture and Storage, en bref CCS) sont de plus en plus considérées comme des éléments nécessaires à une économie nette zéro. Pendant longtemps, les activistes les ont combattues par la seule rhétorique. Aujourd'hui, il est clair qu’elles devront jouer un rôle central dans la tâche de réduction des émissions de l'industrie – en particulier dans la production de ciment. C'est ce qu'on peut lire dans le dernier rapport du GIEC. Le CO₂ doit être capté avec des technologies CCS, liquéfié et injecté dans d'immenses réservoirs souterrains.
Il y a plusieurs mois déjà, Bruxelles a admis publiquement que sans le CCS, les objectifs climatiques ne pourraient pas être atteints d'ici 2050. Cette année, une stratégie CCS propre à l'UE doit être présentée; il faut plus d'argent et de soutien.
La recherche d'éventuels sites de stockage définitif du CO₂ a commencé depuis longtemps. Des pays comme la Norvège et le Danemark développent déjà de nouvelles offres commerciales pour importer le CO₂ des pays européens via des navires ou des pipelines, et le stocker dans les profondeurs de la mer du Nord. Début mars, le Danemark a lancé le premier projet de ce type dans l'UE. Ainsi, le carbone doit être capté dans une usine chimique en Belgique et transporté par bateau vers le Danemark. Bientôt, le CO₂ en provenance d'Allemagne devrait également être stocké.
Les technologies CCS se heurtent encore à de nombreux obstacles, tant techniques qu’économiques ou sociaux. Ainsi, le rapport du GIEC a estimé que le CCS n'avait pas encore été largement déployé dans la production de ciment et de produits chimiques. Les technologies sont encore très chères. Et si, d'un point de vue purement technique, il existe une capacité de stockage géologique du dioxyde de carbone suffisante pour atteindre l'objectif de 1.5°, il existe probablement des obstacles au niveau régional.
En Allemagne, par exemple, la technologie CCS a longtemps été exclue. Dans la société, c’est le scepticisme quant au stockage du carbone dans le sous-sol qui domine. Mais ces derniers mois, le débat politique a évolué. La législation sur le stockage du CO₂ doit être révisée. On mise encore sur la délocalisation du CO₂ et sa disparition dans les fonds marins, mais ailleurs, loin de ses propres électeurs.
Le débat sur les lieux de stockage éventuel du CO₂ à l'avenir et sur les pays qui y auront accès, et les proportions à déterminer, va s'intensifier dans les années à venir. Des ONG comme la NABU allemande adaptent déjà leurs positions. Le groupe soutient désormais le CCS pour l'industrie du ciment. Cela souligne ce qui ressort également des discussions avec les chercheurs: dans la lutte pour atteindre l'objectif net zéro d'ici 2050, le débat sur les solutions possibles se fait nécessairement plus ciblé, plus discipliné, moins idéologique.
3. Un parapluie contre le soleil
*Interventions techniques pour un air plus frais
Que se passe-t-il en cas de dépassement de la limite de 1.5°? Cette question est à l'origine d'un débat empreint de controverses – à savoir si le climat doit être contrôlé artificiellement à l'avenir. Par exemple, pour faire redescendre la température sous la limite de 1.5°.
Il est surtout question d'interventions techniques. On peut par exemple pulvériser des particules de dioxyde de soufre dans les couches supérieures de l'atmosphère – et créer ainsi un parasol artificiel qui entraîne le refroidissement de l'air. Cette idée relève de ce qu'on appelle la gestion de la radiation solaire. Pendant longtemps, c'était un tabou. Mais on y vient de plus en plus. Et pas seulement les chercheurs, mais aussi les acteurs politiques.
Il y a une bonne raison à cela. En effet, alors que la réduction des émissions dépend de la coopération de tous les pays – c'est d'ailleurs ce qui rend la protection internationale du climat si lente –, certains gouvernements pourraient par exemple, de leur propre initiative, recourir à des interventions techniques dans le système climatique pour faire baisser artificiellement la température. Cependant, le fait de s'attaquer au climat affecterait également d'autres régions du monde, avec des conséquences encore imprévisibles. Une expérience menée par une petite startup américaine ces derniers mois, d'abord au-dessus du Mexique et maintenant dans le Nevada, montre clairement que certains sont déjà prêts à faire des mirages une réalité. Au Mexique, les vagues provoquées par cette expérience ont également conduit à demander l'interdiction de de telles interventions.
Les experts sont particulièrement préoccupés par la question de la coopération internationale: est-il possible de contrer les interventions incontrôlées et de développer des règles internationales? Le fait que certains pays aient déjà commencé à réfléchir à un contrôle artificiel montre à quel point il est urgent de se pencher sur les possibilités d'application et les risques, explique Janos Pasztor, ancien haut fonctionnaire de l'ONU.
Sous la direction de Pascal Lamy, ancien chef français de l'Organisation mondiale du commerce, un consortium de dirigeants internationaux se penche déjà sur le sujet dans le cadre de la Climate Overshoot Commission, basée à Paris. Le programme de recherche de l'UE lance un appel d'offres pour un projet de 3 millions d'euros afin de déterminer les conditions et les risques de la recherche sur le terrain concernant de telles interventions. Le débat échauffe déjà les esprits des chercheurs. Avec l'augmentation des températures, des risques plus élevés et des dommages plus importants, ce débat pourrait bien passer au premier plan.