Sapocycle est la première organisation à but non lucratif en Europe à collecter les savons usagés dans les hôtels avant de les transformer en produits d’hygiène pour sauver des vies. Les savons sont recyclés par des personnes en situation de handicap et distribués à des familles dans le besoin.
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Du savon pour sauver des vies
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Du savon pour sauver des vies
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• • Viktoria Stauffenegger
Dans les pays industrialisés, les salles de bains sont considérées comme des acquis et l’hygiène, comme une affaire privée. Mais pour les personnes en marge de la société — sans-abri, en situation de pauvreté ou réfugiées — l’accès à l’eau et au savon peut faire toute la différence entre l’exclusion et l’intégration.
Se laver permet non seulement de gagner en bien-être personnel, mais aussi en dignité sociale — et d’augmenter ses chances de retrouver une vie normale.
Une perte considérable de ressources
L’organisation suisse Sapocycle, basée à Bâle, montre que l’hygiène ne se limite pas à la propreté: c’est aussi une question de dignité humaine. Alors que dans de nombreux pays, des gens n’ont pas accès aux produits d’hygiène, des millions de savons à peine utilisés finissent chaque jour dans les poubelles des hôtels.
En Suisse, le secteur hôtelier jette environ 150 tonnes de savon chaque année — un gaspillage de ressources dont l’empreinte carbone est estimée à près de 340 tonnes. Sapocycle veut briser ce cycle.
Fondée en 2014 par Dorothée Schiesser, l’organisation s’est rapidement transformée en engagement social. Sapocycle récupère les savons inutilisés dans les hôtels et les recycle avant de les distribuer gratuitement à des organisations sociales suisses, notamment des foyers pour femmes, des logements d’urgence ou des œuvres caritatives. «Ce qui est un déchet pour l’hôtellerie permet à d’autres personnes d’accéder à une hygiène de base et d’augmenter leur estime de soi», explique Mme Schiesser.
Faire du neuf avec du vieux: les savons parfumés de Sapocycle.
La collaboration avec le Wohnwerk Basel, une institution sociale pour les personnes en situation de handicap mental, est un élément central de Sapocycle et de son programme Bubbles saving lives (les bulles de savon sauvent des vies). Les savons collectés sont nettoyés, préparés et remodelés sous contrôle bactériologique strict. Le projet implique six à dix personnes, en fonction du volume des commandes. «Nos savons n’utilisent pas seulement des ressources inexploitées, ils offrent aux personnes handicapées la possibilité de faire partie d’un mouvement durable», explique la fondatrice, Dorothée Schiesser. Certaines de ces personnes collaborent depuis dix ans déjà et elles ont réalisé des progrès considérables au fil des ans.
Des héros sous-estimés
En comparaison avec sa variante solide, le savon liquide est nettement moins vertueux sur le plan écologique. Composé à 80% d’eau, il utilise des conservateurs à base de pétrole et du plastique à usage unique en guise d’emballage. En remplaçant un litre de savon liquide par du savon solide, on économise presque un kilo de plastique. «Les savons solides sont des héros sous-estimés de la lutte contre les déchets plastiques», affirme Mme Schiesser. Ainsi, les bouteilles vides des distributeurs des hôtels sont remises à Inno Recycling AG — une entreprise suisse leader dans le recyclage des matières plastiques.
Des partenariats internationaux
La coopération avec les fabricants de savon constitue un vecteur stratégique majeur. Bon nombre de ces entreprises ont des excédents de production —à cause de défauts de couleur ou de changement de parfums, notamment. Ces produits résiduels sont souvent incinérés au lieu d’être réutilisés, ce qui s’avère particulièrement problématique pour les produits liquides dans des emballages en plastique, qui libèrent des substances nocives lors de leur combustion. «En France, nous travaillons déjà avec les fabricants de savon; dans les autres pays, cela reste difficile», explique Mme Schiesser. Ainsi, en Suisse, la transparence et le soutien public ont fait défaut jusqu’à présent. En France, en revanche, la responsabilité sociale des entreprises (RSE) est plus développée et l’engagement social peut être communiqué de manière crédible aux actionnaires et aux consommateurs et consommatrices. «La durabilité ne se traduit pas uniquement par la protection de l’environnement, mais aussi par la responsabilité sociale — on ne peut pas dissocier les deux», ajoute avec conviction Mme Schiesser.
Ce que beaucoup de consommateurs et consommatrices ignorent : Comparé à la variante solide, le savon liquide est nettement plus problématique sur le plan écologique.
Aujourd’hui, Sapocycle compte un réseau de plus de 280 hôtels, deux ateliers et un partenaire logistique en Suisse, en France et en Allemagne. Des partenariats en Italie devraient suivre. «L’objectif est d’établir notre programme dans les pays où le tourisme côtoie la pauvreté», conclut Mme Schiesser.
«Redonner un peu de dignité»
Questions à Dorothée Schiesser, fondatrice de Sapocycle
Comment vous est venue l’idée de recycler?
Dorothée Schiesser: Mon mari a longtemps siégé au conseil d’administration du Grand Hôtel Les Trois Rois, à Bâle. La question de la gestion des déchets dans l’hôtellerie de luxe a toujours été un sujet de discussion entre nous.
Qu’est-ce qui vous intéresse personnellement dans le lien entre l’hôtellerie et l’engagement social?
Schiesser: J’aime faire le grand écart entre deux mondes — entre le luxe et la pauvreté. Je connais bien le secteur de l’hôtellerie. Mais j’ai toujours voulu agir sur le plan social. J’ai besoin des deux, le luxe seul serait trop ennuyeux pour moi.
Dorothée Schiesser, fondatrice de Sapocycle.
De quoi êtes-vous particulièrement fière?
Schiesser: Je me réjouis que nous ayons développé un projet unique. Je suis particulièrement émue de voir des personnes en situation de handicap mental prendre des responsabilités et évoluer auprès de nous; également de rendre un peu de dignité à des personnes dans le besoin grâce à quelque chose d’aussi simple que du savon.
Quel avenir envisagez-vous pour Sapocycle?
Schiesser: Je souhaite que davantage de personnes comprennent les bénéfices du savon solide par rapport au savon liquide, non seulement pour l’environnement, mais aussi pour la peau. Et bien sûr, je souhaite que nous recevions encore plus de savons pour le donner aux personnes dans le besoin.
Le savon peut sauver des vies
Se laver les mains avec du savon est une mesure de protection simple, efficace et abordable pour prévenir les infections et sauver des vies. Chaque jour, des millions de savons d’hôtel usagés sont jetés dans des décharges du monde entier, ce qui pose un problème environnemental majeur. Par ailleurs, 1,4 million de personnes meurent chaque année de maladies largement évitables, comme la pneumonie et la diarrhée.
Selon l’Unicef, il est prouvé que se laver les mains avec du savon avant les repas et après un passage aux toilettes réduit les infections diarrhéiques de 40%. Les personnes qui souhaitent soutenir l’organisation à but non lucratif Sapocycle peuvent faire un don en ligne sur fr.shop.sapocycle.org. En guise de remerciement, nous vous offrons un savon Hüüsli: avec sa forme de petite maison, il montre que le don sera destiné à un foyer.
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Cet article traite des SDG suivants
Les Objectifs de développement durable (ODD) sont 17 objectifs mondiaux de développement durable convenus par les États membres de l'ONU dans l'Agenda 2030. Ils couvrent des thèmes tels que la réduction de la pauvreté, la sécurité alimentaire, la santé, l'éducation, l'égalité des sexes, l'eau propre, les énergies renouvelables, la croissance économique durable, les infrastructures, la protection du climat et la protection des océans et de la biodiversité.