Les achats et la gestion de la chaîne d'approvisionnement des entreprises subissent actuellement de fortes pressions. Quels sont les plus grands défis à relever?
Daniel Weise: Les achats ont toujours été bien davantage qu'un simple approvisionnement au meilleur prix possible. Mais les défis actuels sont actuellement bien plus complexes que ceux d'avant la pandémie. Des augmentations de coûts significatives, des incertitudes géopolitiques, des goulots d'étranglement persistants dans les livraisons et les exigences en matière de durabilité obligent les entreprises à adapter leurs stratégies. Elles doivent gérer les risques de manière proactive afin de rendre les chaînes d'approvisionnement non seulement résilientes, mais aussi adaptables, durables et rentables. Les secteurs tels que l'énergie et l'industrie manufacturière sont, par exemple, particulièrement touchés par cette situation.
Joachim Stephan: Nous constatons que dans le contexte actuel d'incertitude économique et de forte volatilité, les achats jouent également un rôle clé dans la réussite de nos clients. Ils constituent l'une des principales priorités des CEO et nous les aidons à relever ces défis et à saisir les opportunités.
Qu'est-ce qui se rapporte spécifiquement à la gestion de la chaîne d'approvisionnement?
D. Weise : L'accent mis sur les normes ESG conduit ici à un changement profond en cas de pression concomitante sur les coûts. Les entreprises doivent rendre leurs chaînes d'approvisionnement plus efficaces, mais aussi plus sociales, plus écologiques et plus respectueuses du climat. La prévention des risques, le sourcing multi-régional et la maîtrise des coûts sont plus que jamais demandés, et la numérisation accélère cette transformation. Ainsi, les fonctions d'achat et de chaîne d'approvisionnement deviennent de plus en plus un générateur de chiffre d'affaires, en plus de leur rôle traditionnel de gestion des coûts.
Quels sont les avantages concrets de l'intelligence artificielle et des solutions numériques?
D. Weise : L'application de l'intelligence artificielle générative (IAG) dans les entreprises aborde actuellement un tournant décisif. On commence à transformer le potentiel de l’IAG en résultats tangibles et à faire évoluer les solutions. Des outils prêts à l'emploi peuvent être utilisés pour augmenter la productivité. Les processus d'achat existants peuvent également être réorganisés. L’IAG permet de viser des gains d'efficacité de 30 à 50%.
Comment les entreprises devraient-elles utiliser les nouvelles technologies de manière judicieuse?
D. Weise : Notre expérience montre que la règle dite 10-20-70 s'applique la plupart du temps. Pour utiliser efficacement l'intelligence artificielle, il suffit de consacrer 10% des efforts à l'algorithme, 20% à la technologie sous-jacente et 70% aux collaborateurs et aux processus. Pour ce dernier point, il s'agit de définir de nouveaux rôles avec des exigences spécifiques pour les collaborateurs, d'adapter les processus, de définir les responsabilités, les pouvoirs de décision et d'accompagner la gestion du changement. Nous conseillons de commencer par des projets pilotes faciles à mettre en œuvre, mais générateurs d’une forte valeur ajoutée. Il faut miser dès le départ sur des solutions évolutives qui s'inscrivent dans une logique globale.
De quel type de solutions s'agit-il?
D. Weise : Nous distinguons ici deux catégories: il s'agit, d’une part, de systèmes dont chaque entreprise doit disposer pour ne pas se laisser distancer. Ce sont souvent des solutions standard, comme les systèmes ERP. D'autre part, il existe des solutions qui sont développées individuellement, qui aident les entreprises à atteindre des objectifs très concrets et qui influencent ainsi considérablement leur force d'innovation et leur compétitivité.
La société Inverto GmbH sera désormais également représentée en Suisse. Qu'est-ce qui vous a incité à ouvrir votre propre bureau à Zurich?
D. Weise : Nous travaillons depuis de nombreuses années avec succès pour des entreprises de Suisse. Avec notre bureau de Zurich, nous sommes encore plus proches de nos clients et pouvons entretenir avec eux des relations à plus long terme. Inverto peut se prévaloir d’une large assise: nous servons des clients issus d'un large éventail de secteurs, notamment les biens de consommation et la distribution, les produits pharmaceutiques et les technologies médicales, l'industrie manufacturière, l'industrie financière et le secteur de l'énergie.
Y a-t-il des défis spécifiques pour les entreprises suisses en matière d'achat et de gestion de la chaîne d'approvisionnement?
J. Stephan: Il est certain que les entreprises suisses sont confrontées à des défis particuliers. Je ne citerai que trois facteurs: en comparaison internationale, la Suisse affiche des coûts salariaux et d'exploitation élevés, ce qui peut nuire à sa compétitivité. De plus, des réglementations strictes en matière d'environnement et de travail, telles que la loi suisse sur la chaîne d'approvisionnement (ODiTr), exigent un devoir de diligence et des rapports particuliers. Enfin, il existe des risques de change pour les secteurs fortement orientés vers l'exportation et leurs activités internationales.
D. Weise : Les entreprises suisses jouissent d'une bonne réputation dans le monde entier en raison de la qualité élevée et de la capacité d'innovation de leurs produits. L'inflation, les perturbations de la chaîne d'approvisionnement et les tensions géopolitiques les affectent tout autant que leurs voisins de l'UE. C'est pourquoi la résilience et l'efficacité des coûts des chaînes d'approvisionnement constituent également des thèmes centraux en Suisse. De plus, l'UE et les États-Unis ont également adopté des lois pour plus de durabilité et de décarbonation. Les entreprises suisses doivent évaluer les implications pour leurs activités commerciales et vérifier si elles sont soumises à des réglementations différentes de la loi suisse et, le cas échéant, lesquelles. Dans de nombreux cas, cela concerne les achats et les chaînes d'approvisionnement.
Que recommandez-vous aux entreprises suisses à ce titre?
J. Stephan: La Suisse a prouvé par le passé qu'elle pouvait souvent avoir le fameux coup d'avance sur ses concurrents internationaux. Cette avance doit aussi et surtout se refléter dans la gestion de la chaîne d'approvisionnement. Cela ne comprend pas seulement l'utilisation de l'IA, du Big Data et de l'Internet des objets (IoT) pour optimiser la chaîne d'approvisionnement. A l'avenir, la durabilité de l'approvisionnement jouera également un rôle encore plus important. Par voie de conséquence, nous conseillons aux entreprises de mettre en place des pratiques durables dans tous leurs domaines d'activité. C'est important non seulement pour des raisons réglementaires, mais aussi pour renforcer l'image de marque et répondre aux exigences des clients.
Comment procédez-vous concrètement dans vos approches de solutions?
D. Weise : Nous nous concentrons individuellement sur le problème spécifique du client et développons pour lui la solution la mieux adaptée. Pour ce faire, nous associons vision stratégique et compétences de mise en œuvre. Une fois que nous avons analysé très précisément les détails de la situation de chaque client, nous utilisons notre base de données de référence, l'analyse des données assistée par l'IA et notre large expertise pour identifier avec le client les potentiels d'amélioration et pour planifier et réaliser la mise en œuvre.
Pouvez-vous donner des exemples?
D. Weise : Lors de la crise des puces électroniques, nous avons, par exemple, aidé un constructeur automobile à assurer son approvisionnement, évitant ainsi des pertes de production. Chez un fabricant de produits alimentaires présent dans le monde entier, nous élaborons la stratégie de durabilité pour respecter les règles ESG. Et pour un groupe d'assurance, nous avons lancé un ambitieux programme de réduction des coûts. L'entreprise souhaite investir les fonds ainsi libérés dans des projets de numérisation.