Vous demandez moins d’État et plus d’ef- ficacité pour le secteur de la santé. Quel est votre diagnostic de la situation ac- tuelle?
Regine Sauter: J’aimerais commen- cer par un constat positif. Le système de santé suisse est excellent, ce dont attestent toutes les enquêtes de qua- lité. Mais que devons-nous faire pour maintenir le niveau de notre système de santé, tout en sanctuarisant sa viabilité financière? Il faut s’attaquer en priorité aux inefficacités du système. Trop de ré- glementations et trop d’État entravent un développement ciblé.
Quels domaines faut-il cibler en prio- rité?
Pour gagner en efficacité, il faut trans- férer un certain nombre de traitements réa lisés en stationnaire vers l’ambula- toire. Par ailleurs, nos incitations et nos structures de financement sont tout sim- plement inadéquates. Concernant les ré- glementations, la loi sur l’assurance ma- ladie a été révisée à d’innombrables re- prises au cours des dernières années. Or, dans beaucoup de cas, ces révisions se traduisent par davantage de travail ad- ministratif pour les hôpitaux, les méde- cins et les prestataires de services.
Selon vous, l’État intervient-il trop dans ce domaine?
Tout à fait. Il y a trop d’État, notamment dans le domaine hospitalier. Il faut réta- blir de la concurrence. Les pouvoirs pu- blics sont souvent les propriétaires, les fi- nanceurs et les planificateurs des offres hospitalières. Le manque de transpa- rence, notamment dans l’attribution des aides publiques, conduit à des inégalités de traitement.
Quels aspects devons-nous changer?
Il faut entièrement repenser les soins de santé. Aujourd’hui, dans de nom- breux endroits, nous sommes organisés à trop petite échelle. Il faut agrandir les secteurs de soins et mettre en place des modèles de partenariat. Le modèle hub and spoke prévoit un centre hospitalier par région, avec des centres de soin plus petits dans les zones périphériques. C’est ainsi que nous assurerons un service de santé à la fois sûr et efficace pour l’en- semble de la population.
Vous plaidez fortement en faveur de l’in- novation et des technologies numériques dans le domaine de la santé, notamment avec la mise en œuvre du dossier élec- tronique du patient (DEP). Quels sont les domaines d’application et les avan- tages, selon vous?
En cas de suivi par plusieurs médecins, par exemple, toutes et tous auront accès aux mêmes données sur l’état actuel de leur patiente ou patient. Cela contribue à la sécurité des patients, permet d’éviter les doublons et de réduire les coûts. En fin de compte, le DEP permet aux méde- cins d’accéder à toutes les informations nécessaires en un clin d’œil et allège leur charge administrative. J’y vois un poten- tiel considérable d’économies.
Pourquoi le DEP n’a-t-il pas encore été mis en œuvre à grande échelle?
La version actuelle du DEP ne répond pas aux demandes actuelles. De plus, on constate une forte résistance du corps médical. C’est un investissement qui re- présente des coûts. De nombreux doutes subsistent quant à sa sécurité ou à son utilité. Par ailleurs, à ce jour, les méde- cins ne sont pas tenus de travailler avec le DEP, car nous avons renoncé à ins- crire son utilisation dans la loi. Si les patientes et les patients disposent d’un DEP, mais que les médecins négligent de l’utiliser, il ne sert à rien. Pour fa- voriser l’utilisation du DEP, toutes les parties doivent être convaincues de ses bienfaits. Il en va ainsi pour la plupart des innovations technologiques: il faut un soutien et une implication de l’en- semble des parties.