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Margaux Peltier

Margaux Peltier, cofondatrice et directrice d'Enerdrape. Photo: Martin Rutsche / EPFL

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Le premier grand projet d’Enerdrape

Les matériaux techniques des vêtements sportifs ont un coût écologique trop important. Alternatives naturelles, démarche «zéro plastique» et réinvention du synthétique, les initiatives se multiplient pour préserver l’environnement sans nuire aux performances.

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On sent une certaine satisfaction, voire du soulagement, dans le regard de Margaux Peltier, la directrice d’Enerdrape. Derrière elle, dans un parking de Coop à Renens, trône une centaine de panneaux thermiques que sa société a fait installer en avril. Il y en a aussi le long d’une rampe qui fait descendre les voitures à l’étage inférieur et on en trouve également en bas.

A vrai dire, on les remarque à peine. Ils sont grands certes, 140 cm de haut, 70 de large chacun. Blancs, ornés de silhouettes de feuilles, bleues, vertes et beiges, et, en tout, on en compte 204. Mais ils ne prennent guère de place, avec leurs deux centimètres de large. On dirait même qu’ils reposent ici depuis toujours.

Simple comme le photovoltaïque

«C’est assez chouette de les voir ici», se réjouit la patronne d’Enerdrape. La société, fondée en 2021 à l’EPFL, a cravaché pour décrocher ce premier gros contrat. Elle a gagné de nombreux prix, installé des prototypes dans un parking à Sébeillon, à Lausanne, levé des fonds et généré une grosse couverture médiatique. Mais le premier projet d’envergure s’est fait attendre, la rançon à payer, sans doute, pour un nouveau venu qui débarque avec un produit jamais vu.

Enerdrape est la lauréate du Prix SUD («Start-up durable») 2022, une distinction remise chaque année par Romande Energie et Le Temps. La société vaudoise développe des panneaux qui captent la chaleur naturelle du sous-sol, ou sa fraîcheur l’été, gratuitement une fois qu’ils ont été installés. Simple comme le photovoltaïque sauf que sa technologie de géothermie sans forage performe également de nuit ou quand il pleut, été comme hiver. Elle est moins puissante mais n'utilise ni métaux rares ni équipements électroniques. Elle ne produit pas de courant mais, par le biais d’une pompe à chaleur, du chaud ou du froid.

Difficile à ce stade de savoir à quel point la solution d’Enerdrape chauffera ou, l’été, rafraîchira le bâtiment de Coop car il est en rénovation (sa chaudière à gaz doit justement être remplacée par une pompe à chaleur). Mais si les résultats sont les mêmes qu’à Sébeillon, alors chaque mètre carré de panneau en chauffera entre 6 et 7 de plancher. Un bon cinquième du complexe de Renens disposera d’une source d’énergie gratuite et non polluante 24h/24 quand l’installation sera connectée à son réseau d’eau (Coop devra relier la tuyauterie à la pompe à chaleur, quand elle sera installée).

«Nous sommes sur la bonne pente, les planètes s’alignent», indique Margaux Peltier, qui espère que la «carte de visite» que doit représenter la réalisation de Renens aura un effet boule de neige. Un client potentiel était d’ailleurs sur place la veille de notre visite, pour se faire une meilleure idée.

Fons immobiliers en vue

«Nous discutons avec plusieurs fonds immobiliers qui veulent décarboner leur parc en Suisse romande», affirme Margaux Peltier. Des portes s’ouvrent également aux Etats-Unis, où les autorités ont accordé en mars le premier brevet d’Enerdrape. Des panneaux doivent être installés à Chicago cet été et des études de faisabilité sont en cours à New York. En cas de résultats positifs, elles pourraient déboucher sur des projets de très grande envergure. Le cadre légal en France, qui contraint désormais les propriétaires à considérer le potentiel énergétique du sous-sol de leur parcelle, ouvre également des portes à Enerdrape.

La société se dit prête à augmenter la cadence. Une usine italienne lui a fourni 600 panneaux. Elle doit lui en livrer 400 autres en mai et peut en fabriquer davantage. Un espace a été trouvé pour les stocker en Suisse. La collaboration avec un installateur, l’entreprise Coutaz Bussigny, se passe bien, d’autant plus que le spin-off de l’EPFL veut faire en sorte que ses panneaux soient le plus facile possible à installer.

A Renens, les panneaux qui ornent le parking de Coop sont en fait une couverture, une couche de protection aussi si un véhicule devait les toucher. C’est en fait derrière eux, sur d’autres plaques en aluminium que s’effectue le transfert de chaleur. Elles sont munies d’un circuit fermé – un tuyau qui suit des courbes arrondies comme un radiateur – rempli d’une eau glycolée qui capte la chaleur des murs (surtout) et de l’air. A sa sortie, l’eau a gagné entre 3 à 4 degrés, de quoi considérablement améliorer l’efficacité de la pompe à chaleur.

«Momentum» climatique

«Les panneaux cosmétiques sont en aluminium, nous réfléchissons aussi à en construire en d’autres matériaux recyclés, ce qui permettrait d’imprimer plus facilement quelque chose dessus, une publicité par exemple», indique Margaux Peltier. Les feuilles de Renens, elles, sont collées sur les panneaux.

«Tout compte fait, nous n’avons pas été si lents que ça, peut-être parce que nous arrivons au bon moment», estime-t-elle. En plein dans une crise énergétique, qui a vu le prix du gaz flamber, et dans un contexte où la question climatique occupe le devant de la scène. La solution d’Enerdrape est complémentaire aux autres sources d’énergie renouvelable, comme le photovoltaïque, mais il faut que les parkings ou autres tunnels aient une certaine taille pour que ça vaille la peine de l’installer.

Enerdrape emploie quatre employés dans un bureau proche de l’EPFL et cherche un profil expérimenté dans la vente. Pour trouver de nouveaux clients et en faire, non plus une jeune pousse mais une «entreprise établie», selon sa fondatrice.

Richard Etienne, Le Temps (15.05.2023)

Sustainable Switzerland publie ici des contenus du Le Temps.

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