Logo image
Photo: Gerald Schömbs / Unsplash

Photo: Gerald Schömbs / Unsplash

Top Story

Des requins blancs en Méditerranée

Le thriller de Steven Spielberg, a durablement écorné la réputation de ces superprédateurs. Pourtant, de nombreux requins et espèces apparentées sont menacés dans le monde entier, et plus particulièrement en mer Méditerranée.

0

Partager
Copier le lien LinkedIn
Écouter
Logo image

Des requins blancs en Méditerranée

Partager
Copier le lien LinkedIn
Écouter

4 Min.  •   • 

Un mouvement, un battement de cœur, une goutte de sang dans la mer? Rien n’échappe au grand requin blanc, qui nous inspire à la fois crainte et admi- ration. Il y a 50 ans, l’écrivain améri- cain Peter Benchley publiait Jaws, en français Les dents de la mer. Le best- seller s’inspirait, certes, de véritables attaques de requins, mais la fiction dé- passait largement la réalité. Un an plus tard, l’adaptation cinématographique de Steven Spielberg acheva de transformer le grand blanc dans l’imaginaire collec- tif en monstre terrifiant assoiffé de sang.

Or, nous savons depuis fort long- temps que cette image de tueur impi- toyable d’êtres humains n’a rien à voir avec la réalité. Les requins blancs sont de formidables chasseurs. Avec leur longueur maximale de sept mètres, ils font partie des plus grands prédateurs au monde. Mais ces éboueurs des fonds marins s’attaquent surtout aux animaux malades et morts. Ils parcourent les mers de manière aussi élégante que discrète. Les requins-taureaux ou les requins- tigres ne s’attaquent guère plus aux hu- mains. Selon les statistiques, les attaques de requins tuent en moyenne six per- sonnes par an. L’International Shark At- tack File, une base de données de l’uni- versité de Floride, a elle, recensé un total de dix victimes au cours de l’année 2023.

Le fantôme de la Méditerranée

Et pourtant, nous barbotons sans cesse dans leur habitat naturel: l’océan. Même la Méditerranée est un hotspot de pois- sons cartilagineux, des espèces les plus petites jusqu’aux plus grandes, dont le grand blanc. Selon des estimations pru- dentes, leur nombre s’élève actuelle- ment à quelques centaines de spécimens. «Leur population en Méditerranée est unique, mais peu connue», explique Jeremy Jenrette de l’université améri- caine Virginia Tech, précisément parce qu’ils se déplacent sous l’eau en toute discrétion et non comme des monstres assoiffés de sang. Au grand dam des chercheurs, dont le travail se fondait jusqu’ici sur les observations, bien que rares.

Où se trouvent ces animaux? Où sont leurs «pouponnières»? Com- bien de grands requins blancs vivent en Méditerranée? M. Jenrette veut ré- pondre à toutes ces interrogations au plus vite, car leur survie en Méditer- ranée est menacée. En 2020, l’étude la plus complète publiée à ce jour compi- lait les rapports disponibles sur le grand blanc depuis 1860. Selon ses conclusions, la population en Méditerranée a chuté de 60% au cours des dernières années. Le grand blanc figure même sur la liste rouge des espèces «en danger d’extinc- tion».

Des espèces migratrices fortement menacées

«Les dix à vingt prochaines années seront cruciales pour leur préservation», estime Jeremy Jenrette. Le chercheur s’est asso- cié à d’autres scientifiques pour former la White Shark Chase, sous la direction de Francesco Ferretti de Virginia Tech. L’équipe s’est donnée pour mission de protéger les derniers grands blancs de Méditerranée. Mais encore faudrait-il les trouver pour les étudier. Comment ai- der une espace menacée qui échappe à tous les regards? Fort heureusement, les proies ne sont pas les seules à laisser des traces de leur passage dans l’eau. Les pré- dateurs diffusent également une sorte de «trace génétique olfactive»: leur ADN en- vironnemental (ADNe). Il s’agit de ma- tériel génétique sous forme de squames, de muqueuses, d’excréments ou d’urine. Les échantillons prélevés dans le sol, dans l’air et dans l’eau contiennent cet ADNe, qui peut être isolé puis analysé.

Jeremy Jenrette et son équipe n’ont donc pas besoin de voir un grand blanc pour détecter sa présence en Méditerra- née: quelques gouttes d’eau suffisent. Ils ont entamé leurs recherches dans le dé- troit de Sicile, où de nombreux jeunes ont été observés. Ils pensent que cette région, tout comme l’Adriatique et la mer Égée, serait une «pouponnière», un lieu où les adultes se rassemblent pour s’accoupler.

Lors d’une longue expédition sur place, l’équipe scientifique a ainsi pu pré- lever des échantillons d’eau à plusieurs endroits, en surface et jusqu’à une pro- fondeur de 100 mètres. Elle a ensuite re- cherché dans les traces d’ADN un frag- ment de gène spécifique, présent unique- ment chez les grands requins blancs: 4 des 69 échantillons étaient positifs. Au moins un ou plusieurs grands requins blancs se sont aventurés à cet endroit ou dans les environs au cours de la période précé- dant le prélèvement des échantillons.

Cette technique de recherche de l’ADNe sera utilisée à l’avenir dans d’autres régions du monde où vivent des requins blancs. Une approche globale ai- dera à analyser plus précisément les don- nées provenant de la Méditerranée. Elle pourrait en outre contribuer à détecter les requins blancs, menacés partout dans le monde, de manière à développer des mesures de protection efficaces au ni- veau national et international.

Cet article traite des SDG suivants

Les Objectifs de développement durable (ODD) sont 17 objectifs mondiaux de développement durable convenus par les États membres de l'ONU dans l'Agenda 2030. Ils couvrent des thèmes tels que la réduction de la pauvreté, la sécurité alimentaire, la santé, l'éducation, l'égalité des sexes, l'eau propre, les énergies renouvelables, la croissance économique durable, les infrastructures, la protection du climat et la protection des océans et de la biodiversité.

11 - Villes et communautés durables
14 - Vie aquatique
15 - Vie terrestre

Publicité

Articles populaires

Articles recommandés pour vous

Kristy Deiner, professeure à l'EPFZ, teste le drone pour sa participation au concours XPRIZE Rainforest.
Habitats

"Si nous détruisons la biodiversité, nous détruisons notre avenir".

Les bandes fleuries en bordure des champs favorisent la biodiversité. Elles offrent un espace aux insectes et permettent de lutter naturellement contre les ravageurs.
Habitats

La protection des espèces sur la liste des priorités

Photo: ETHZ
Habitats

Nos ressources vitales sont menacées

Articles similaires

Bison
Habitats

Des bisons dans les forêts suisses: idée réaliste ou farfelue?

RISKFILTER.ORG
Habitats

La protection de la biodiversité: bien plus qu’une option

Sustainable Switzerland
Habitats

Les espèces animales migratrices fortement menacées