Concernant l’infertilité montante, le contexte social dans lequel on évolue et la mauvaise hygiène de vie qui peut en découler impactent par ailleurs la qualité des ovules et des spermatozoïdes. Stress, manque de sommeil, consommation d’alcool, de tabac ou de drogues, mais aussi mauvaises habitudes alimentaires et exposition aux pesticides constituent autant de facteurs.
«La fertilité des hommes est également en baisse si l’on considère les données de ces dernières décennies», ajoute Grace Bianchi Movarekhi. «Une étude globale réalisée récemment indique en effet que, sur la période allant de 1973 à 2018, la qualité des spermatozoïdes a décliné de 41,5%, soit près de 1% chaque année. Dans le cadre des consultations de PMA liées à notre activité, on constate d’ailleurs que, dans 33% des cas, les gamètes mâles sont en cause.»
Techniques et résultats
Aujourd’hui, on compte une trentaine de centres spécialisés dans la PMA, répartis sur l’ensemble du territoire. Les traitements couramment utilisés en Suisse incluent la stimulation ovarienne, la fécondation in vitro (FIV) et l’insémination artificielle, tandis que le don d’ovules, le don d’embryons et la gestation pour autrui restent interdits à l’heure actuelle.
Selon l’Office fédéral de la statistique (OFS), 6609 couples ont eu recours à une méthode de FIV en 2022 et le nombre de couples en traitement FIV a augmenté de 12,9% depuis 2017. Les traitements effectués en 2022 ont donné lieu à 2289 accouchements, au cours desquels 2370 enfants sont nés vivants. Cette année-là, la part des naissances vivantes suite à un traitement de FIV représentait donc près de 3% de l’ensemble des naissances vivantes en Suisse. Les statistiques de 2022 permettent par ailleurs de constater la proportion suivante: sur les 46,1% de femmes traitées ayant abouti à une grossesse, 34,6% ont abouti à une naissance. L’insémination intra-utérine a, quant à elle, un taux de réussite de grossesse de 25% par tentative.
Coûts et prise en charge par l’assurance
Pour bénéficier d’un traitement de PMA en Suisse, les tarifs varient en fonction des techniques utilisées, du suivi médical impliqué et de la prise de médicaments associée. Pour une fécondation in vitro, en prenant en compte toutes les étapes du traitement ainsi que la prise des médicaments, il faut compter entre 8000 à 12 000 francs selon le protocole requis. Et du côté des assureurs, pour la FIV, aucune procédure n’est couverte par l’assurance obligatoire, ni par les complémentaires.
En revanche, jusqu’à l’âge de 40 ans, les démarches de stimulation ovarienne avec insémination sont en général prises en charge par l’assurance obligatoire, à savoir les consultations, le bilan d’infertilité, les interventions chirurgicales ainsi qu’un an de stimulation ovarienne et jusqu’à trois inséminations intra-utérines. Pour une insémination, le tarif évolue entre 1000 et 1500 francs, médicaments compris.
«Cette situation devrait évoluer durant ces prochaines années», s’enthousiasme la spécialiste en gynécologie et obstétrique. «Si les assurances ont jusqu’ici bloqué le remboursement des FIV, la problématique démographique du vieillissement de la population et les effets que cela engendre sur la prévoyance et les retraites devraient inciter prochainement les assureurs à soutenir les couples qui décident de se lancer dans ces démarches et traitements pour fonder une famille.»
«Rester positif, quoi qu’il arrive»
A 34 et 38 ans, Barbara et Arnaud*, ensemble depuis plus de six ans, veulent réaliser leur projet de famille. Comme tous les couples, ils essaient d’avoir leur premier enfant naturellement. Mais après plusieurs mois, la grossesse ne se concrétise pas. Barbara décide alors d’aller consulter, car elle souffre aussi de fortes douleurs durant son cycle et lors des règles. Après avoir passé une IRM, le diagnostic tombe: elle souffre d’endométriose, une affection gynécologique qui concerne 10 à 15% des femmes en âge de procréer et qui se caractérise par le développement d'un tissu semblable à la muqueuse utérine en dehors de l’utérus.
«J’ai d’abord ressenti de la colère puisque, quand j’étais adolescente, ma première gynécologue m’avait toujours dit qu’avoir des règles douloureuses était normal. Je ne m’étais donc pas doutée que je souffrais en réalité d’endométriose. Ensuite, j’ai commencé à ressentir un choc, en prenant conscience que cela pourrait affecter notre projet de fonder une famille.»
Première consultation et choix à faire
Quelques mois plus tard, Barbara consulte au sein d’un centre spécialisé en médecine de la fertilité. Elle passe alors plusieurs examens, tandis qu’Arnaud réalise un spermogramme. Les nouvelles ne sont pas encourageantes: en raison de la maladie, sans traitement ou suivi de procréation médicalement assistée, les chances de tomber enceinte naturellement sont infimes.
«Le médecin m’a diagnostiqué une endométriose sévère et m’a expliqué que mes deux ovaires étaient touchés. Les possibilités qui s’offraient alors à moi consistaient soit à me faire opérer, en prenant le risque de devenir stérile, soit à opter pour la fécondation in vitro. La première option était prise en charge par l’assurance, la seconde non. On en a bien sûr beaucoup parlé avec Arnaud, en pesant le pour et le contre, et surtout en prenant le temps. Le soutien de mon conjoint a été précieux. Au final, notre décision était prise, ce serait la FIV. Le système de santé nous a paru étrange à ce moment puisqu’une opération sans garantie de résultats et comportant un risque important était prise en charge, alors que la FIV non. Heureusement pour nous, nous pouvions nous permettre de financer cette démarche. Tout le monde n’a pas cette chance. Quand on pense au vieillissement de la population et aux problèmes qui en découlent, c’est assez honteux que les assureurs ne couvrent pas ce type de traitements.»
Bonne nouvelle
Barbara commence alors son traitement: prises de sang, injections et échographies régulières. «J’ai globalement bien supporté l’ensemble, à part quelques maux de tête et de la fatigue, mais rien de très problématique.» Puis vient la ponction des ovocytes, qui permet d’en prélever six, d’en féconder trois et d’en implanter un seul au final. Après une quinzaine de jours, la prise de sang confirme la bonne nouvelle: Barbara est bien enceinte.
«Ça a été un bonheur immense! Arnaud a pleuré de joie et on s’est rapidement projetés dans le futur, en imaginant tout ce qui nous attendait. Même si une certaine appréhension persistait quant à la grossesse et à l’accouchement, nous sommes toujours restés positifs, quoi qu’il arrive. Au final tout s’est bien passé, hormis des nausées les premiers mois et une certaine fatigue. Ma médecin m’a d’ailleurs mise en arrêt les deux derniers mois de grossesse. Aujourd’hui, après avoir donné naissance à un fils en pleine santé, nous formons une famille heureuse, et c’est tout ce qui compte.»
*prénoms d’emprunt