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Une trentaine de centres spécialisés dans la PMA sont actuellement répartis sur l’ensemble du territoire suisse.

Une trentaine de centres spécialisés dans la PMA sont actuellement répartis sur l’ensemble du territoire suisse. Photo: Imago

Société

La procréation médicalement assistée, une alternative toujours plus prisée en Suisse

Obstacles biologiques, projets personnels ou encore plans de carrière: plusieurs facteurs tendent à retarder l’âge de concevoir. La procréation médicalement assistée devient de plus en plus courante pour les couples suisses.

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La procréation médicalement assistée, une alternative toujours plus prisée en Suisse

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Terminer ses études, se lancer dans la vie active, rencontrer son âme sœur et fonder une famille. Le schéma classique et rêvé pour certains. Mais tout ne s’enchaîne pas toujours si facilement, ni si vite. En Suisse, les couples attendent d’ailleurs de plus en plus avant de se lancer dans un projet familial et, quand ils le font, donnent naissance à moins d’enfants qu’auparavant. Le pays a d’ailleurs suivi le même schéma que de nombreuses sociétés économiquement développées en passant sous le seuil de renouvellement de la population – 2,1 enfants par femme – et cela depuis quelques décennies déjà.

En cause, des carrières qui passent au premier plan, un contexte environnemental et une inflation anxiogènes ou encore la volonté de profiter d’une certaine indépendance plus longtemps, voire toute la vie. En Suisse, on estime par ailleurs qu’élever deux enfants jusqu’à l’âge adulte coûte au minimum 500 000 francs. De quoi refroidir de nombreux parents potentiels qui, en raison de ce climat contraignant, peuvent avoir tendance à voir l’enfant non pas comme une valeur ou un projet enthousiasmant mais davantage comme une charge. Sans oublier les problèmes de fertilité, qui concernent 10 à 15% des couples suisses. Pour y faire face, ils sont quelque 3000 à entreprendre une démarche de PMA tous les ans. Dans le monde, un adulte sur six est infertile selon l’OMS. Dans ce cadre, la PMA constitue donc une voie vers laquelle se tourner pour augmenter ses chances de concrétiser un désir de parentalité malgré ces différents obstacles.

Mode de vie en question

Pour la doctoresse Grace Bianchi Movarekhi, spécialiste en médecine de la reproduction, directrice médicale du centre BabyImpulse, partenaire de Hirslanden au sein de la Clinique des Grangettes, nos habitudes de vie expliquent en partie l’augmentation des cas d’infertilité et la baisse de la natalité.

«De manière générale, on sait déjà qu’il existe une corrélation entre l’amélioration du niveau socioéconomique d’un pays et sa baisse de natalité. Les femmes bénéficient d’un meilleur accès au marché du travail et, après les études, se lancent dans la vie active pour mener leur projet de carrière. Même si les mentalités évoluent, il faut aussi avoir conscience qu’un certain dilemme se pose encore pour les femmes, entre ambitions professionnelles et projets familiaux. Ce qui a comme conséquence pour un nombre croissant de femmes de repousser le désir d’enfant à un âge où la fertilité naturelle commence à baisser. Dans notre clinique genevoise, l’âge moyen des femmes qui consultent se situe ainsi entre 36 et 37 ans.»

«Le nombre de couples suisses en traitement FIV a augmenté de 12,9% depuis 2017.»

Concernant l’infertilité montante, le contexte social dans lequel on évolue et la mauvaise hygiène de vie qui peut en découler impactent par ailleurs la qualité des ovules et des spermatozoïdes. Stress, manque de sommeil, consommation d’alcool, de tabac ou de drogues, mais aussi mauvaises habitudes alimentaires et exposition aux pesticides constituent autant de facteurs.

«La fertilité des hommes est également en baisse si l’on considère les données de ces dernières décennies», ajoute Grace Bianchi Movarekhi. «Une étude globale réalisée récemment indique en effet que, sur la période allant de 1973 à 2018, la qualité des spermatozoïdes a décliné de 41,5%, soit près de 1% chaque année. Dans le cadre des consultations de PMA liées à notre activité, on constate d’ailleurs que, dans 33% des cas, les gamètes mâles sont en cause.»

Techniques et résultats

Aujourd’hui, on compte une trentaine de centres spécialisés dans la PMA, répartis sur l’ensemble du territoire. Les traitements couramment utilisés en Suisse incluent la stimulation ovarienne, la fécondation in vitro (FIV) et l’insémination artificielle, tandis que le don d’ovules, le don d’embryons et la gestation pour autrui restent interdits à l’heure actuelle.

Selon l’Office fédéral de la statistique (OFS), 6609 couples ont eu recours à une méthode de FIV en 2022 et le nombre de couples en traitement FIV a augmenté de 12,9% depuis 2017. Les traitements effectués en 2022 ont donné lieu à 2289 accouchements, au cours desquels 2370 enfants sont nés vivants. Cette année-là, la part des naissances vivantes suite à un traitement de FIV représentait donc près de 3% de l’ensemble des naissances vivantes en Suisse. Les statistiques de 2022 permettent par ailleurs de constater la proportion suivante: sur les 46,1% de femmes traitées ayant abouti à une grossesse, 34,6% ont abouti à une naissance. L’insémination intra-utérine a, quant à elle, un taux de réussite de grossesse de 25% par tentative.

Coûts et prise en charge par l’assurance

Pour bénéficier d’un traitement de PMA en Suisse, les tarifs varient en fonction des techniques utilisées, du suivi médical impliqué et de la prise de médicaments associée. Pour une fécondation in vitro, en prenant en compte toutes les étapes du traitement ainsi que la prise des médicaments, il faut compter entre 8000 à 12 000 francs selon le protocole requis. Et du côté des assureurs, pour la FIV, aucune procédure n’est couverte par l’assurance obligatoire, ni par les complémentaires.

En revanche, jusqu’à l’âge de 40 ans, les démarches de stimulation ovarienne avec insémination sont en général prises en charge par l’assurance obligatoire, à savoir les consultations, le bilan d’infertilité, les interventions chirurgicales ainsi qu’un an de stimulation ovarienne et jusqu’à trois inséminations intra-utérines. Pour une insémination, le tarif évolue entre 1000 et 1500 francs, médicaments compris.

«Cette situation devrait évoluer durant ces prochaines années», s’enthousiasme la spécialiste en gynécologie et obstétrique. «Si les assurances ont jusqu’ici bloqué le remboursement des FIV, la problématique démographique du vieillissement de la population et les effets que cela engendre sur la prévoyance et les retraites devraient inciter prochainement les assureurs à soutenir les couples qui décident de se lancer dans ces démarches et traitements pour fonder une famille.»


«Rester positif, quoi qu’il arrive»

A 34 et 38 ans, Barbara et Arnaud*, ensemble depuis plus de six ans, veulent réaliser leur projet de famille. Comme tous les couples, ils essaient d’avoir leur premier enfant naturellement. Mais après plusieurs mois, la grossesse ne se concrétise pas. Barbara décide alors d’aller consulter, car elle souffre aussi de fortes douleurs durant son cycle et lors des règles. Après avoir passé une IRM, le diagnostic tombe: elle souffre d’endométriose, une affection gynécologique qui concerne 10 à 15% des femmes en âge de procréer et qui se caractérise par le développement d'un tissu semblable à la muqueuse utérine en dehors de l’utérus.

«J’ai d’abord ressenti de la colère puisque, quand j’étais adolescente, ma première gynécologue m’avait toujours dit qu’avoir des règles douloureuses était normal. Je ne m’étais donc pas doutée que je souffrais en réalité d’endométriose. Ensuite, j’ai commencé à ressentir un choc, en prenant conscience que cela pourrait affecter notre projet de fonder une famille.»

Première consultation et choix à faire

Quelques mois plus tard, Barbara consulte au sein d’un centre spécialisé en médecine de la fertilité. Elle passe alors plusieurs examens, tandis qu’Arnaud réalise un spermogramme. Les nouvelles ne sont pas encourageantes: en raison de la maladie, sans traitement ou suivi de procréation médicalement assistée, les chances de tomber enceinte naturellement sont infimes.

«Le médecin m’a diagnostiqué une endométriose sévère et m’a expliqué que mes deux ovaires étaient touchés. Les possibilités qui s’offraient alors à moi consistaient soit à me faire opérer, en prenant le risque de devenir stérile, soit à opter pour la fécondation in vitro. La première option était prise en charge par l’assurance, la seconde non. On en a bien sûr beaucoup parlé avec Arnaud, en pesant le pour et le contre, et surtout en prenant le temps. Le soutien de mon conjoint a été précieux. Au final, notre décision était prise, ce serait la FIV. Le système de santé nous a paru étrange à ce moment puisqu’une opération sans garantie de résultats et comportant un risque important était prise en charge, alors que la FIV non. Heureusement pour nous, nous pouvions nous permettre de financer cette démarche. Tout le monde n’a pas cette chance. Quand on pense au vieillissement de la population et aux problèmes qui en découlent, c’est assez honteux que les assureurs ne couvrent pas ce type de traitements.»

Bonne nouvelle

Barbara commence alors son traitement: prises de sang, injections et échographies régulières. «J’ai globalement bien supporté l’ensemble, à part quelques maux de tête et de la fatigue, mais rien de très problématique.» Puis vient la ponction des ovocytes, qui permet d’en prélever six, d’en féconder trois et d’en implanter un seul au final. Après une quinzaine de jours, la prise de sang confirme la bonne nouvelle: Barbara est bien enceinte.

«Ça a été un bonheur immense! Arnaud a pleuré de joie et on s’est rapidement projetés dans le futur, en imaginant tout ce qui nous attendait. Même si une certaine appréhension persistait quant à la grossesse et à l’accouchement, nous sommes toujours restés positifs, quoi qu’il arrive. Au final tout s’est bien passé, hormis des nausées les premiers mois et une certaine fatigue. Ma médecin m’a d’ailleurs mise en arrêt les deux derniers mois de grossesse. Aujourd’hui, après avoir donné naissance à un fils en pleine santé, nous formons une famille heureuse, et c’est tout ce qui compte.»

*prénoms d’emprunt

Thomas Pfefferlé, «Le Temps» (15.06.2024)

Sustainable Switzerland publie ici des contenus de Le Temps.

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