Le retrait des Etats-Unis de l’Organisation mondiale de la santé, annoncé lundi par le président Donald Trump va avoir de sérieuses répercussions sur certains programmes de l’agence onusienne et sur la Genève internationale. Mais il aura aussi de profondes conséquences sur les Etats-Unis.
Dans cette dynamique, l’administration Trump a déjà annulé mercredi nombre de réunions scientifiques des National Institutes of Health. Trois rapports des Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) sur le virus de la grippe aviaire H5N1 n’ont pas pu être publiés.
L’épisode Ebola
Lawrence Gostin le souligne dans une tribune publiée dans le Washington Post. Selon le professeur de santé globale de l’Université de Georgetown, le travail de terrain de l’institution genevoise permet d’anticiper et d’empêcher certains virus d’entrer aux Etats-Unis. Le mois dernier, l’OMS est parvenue à stopper au Rwanda la circulation de la maladie à virus Marburg. En quittant l’agence onusienne, Washington affaiblit ce rempart à la maladie. Pour rappel, en 2014, l’épidémie d’Ebola avait fait des ravages en Afrique de l’Ouest et plusieurs cas d’infections avaient été détectés aux Etats-Unis. Sans ce radar avancé, la situation sanitaire outre-Atlantique aurait pu être bien plus grave.
Le Programme élargi de vaccination contre les maladies infantiles mené par l’OMS et largement financé par l’Etat fédéral américain a permis de protéger quelque 85% des enfants de la planète contre la diphtérie, la coqueluche, la rougeole et la polio. Comme les Etats-Unis ont un taux de couverture vaccinale qui laisse à désirer, les enfants états-uniens pourraient être, sans l’aide de l’OMS, à nouveau exposés à des maladies qu’on croyait disparues.
Jusqu’ici, les Etats-Unis ont largement financé la lutte contre la polio avec des équipes sur le terrain. Dans le cadre de l’OMS, ils ont contribué à la quasi éradication de la maladie. Mais sans l’appui de l’organisation, l’Amérique pourrait voir la polio se réinstaller chez elle. Le décret présidentiel adopté par Donald Trump appelant le pays à claquer la porte de l’OMS a de fait provoquer un virage à 180 degrés par rapport à la manière dont Washington voit le risque d’importations de virus dangereux. Jusqu’à maintenant, le Pentagone considérait les maladies infectieuses comme une question de sécurité nationale.
70 centres de l’OMS aux Etats-Unis
Hors de l’OMS, les Etats-Unis ne pourront pas défendre leurs intérêts en matière de politique sanitaire globale. Selon le magazine Science, ils vont perdre un vaste réseau de collaborations scientifiques. Un peu plus de 70 centres collaborateurs de l’OMS sont basés aux Etats-Unis dont 18 au sein des CDC. Ces centres seront privés d’informations cruciales sur la surveillance des maladies à l’échelle mondiale, d’échantillons de pathogènes et des données génomiques fournis par des laboratoires de l’OMS à travers le Système mondial de surveillance de la grippe et de riposte (GISRS). Un cas concret permet de l’illustrer.
Actuellement, la grippe aviaire (H5N1) a contaminé une soixantaine de personnes et fait un mort sur sol américain. Désormais, les Etats-Unis auront moins de moyens pour y faire face, ne pouvant plus accéder au GISRS. Ils deviennent plus vulnérables à une extension du virus. Les scientifiques américains ont longtemps compté sur le GISRS pour maintenir la sécurité sanitaire du pays et une économie prospère. On a vu à cet égard l’étendue des dégâts économiques provoqués par le Covid-19.
L’Amérique, qui a l’un des moins bons bilans dans la gestion du SARS-CoV-2, sera moins préparée à faire face à une nouvelle pandémie. Les institutions de santé ne pourront pas anticiper efficacement un tel événement et les sociétés pharmaceutiques états-uniennes n’auront pas accès à temps à des données fondamentales pour créer d’éventuels vaccins ou traitements. Avec le retrait, Washington se retire aussi des négociations de l’OMS sur un accord pandémique censé renforcer la préparation et la riposte à une pandémie.