Où se situent les principaux obstacles sur la voie d'une plus grande durabilité? Les experts s'accordent à dire que la complexité de l'ESG constitue un défi. «Nous devons intégrer toute une série de mesures, comme le passage à un éclairage LED économe en énergie, dans une stratégie globale cohérente. Sinon, l'effet risque de s'évaporer», estime notamment Patrick Semadeni. La durabilité n'est pas une tâche «one-off» qu’on peut réaliser puis cocher comme classée. Elle exige un nouvel état d'esprit entrepreneurial. «Quand tout va bien, le maintien du statu quo peut être confortable. Mais la recherche de la durabilité implique une remise en question permanente, une amélioration constante de la performance en matière de durabilité et, pour ce faire, de sortir régulièrement de sa zone de confort», explique P. Semadeni.
A la recherche de plus de capital-risque
Urs Briner appelle par ailleurs à un changement de mentalité de la société. Il faut comprendre que la réduction de la consommation de viande, par exemple, n'est pas une tendance de style de vie, mais une tentative pour retrouver un équilibre naturel. «Les entreprises suisses innovantes ont besoin de financements de départ. Actuellement, il y a trop peu de capital-risque», déplore Urs Briner. «Si la société prend au sérieux la transformation durable, elle a besoin d'institutions qui la soutiennent».
Il n'y a pas de recette miracle pour garantir l'intégration des principes de durabilité dans l'ensemble de la chaîne de création de valeur, mais certaines bonnes pratiques existent. D. Matthews est, par exemple, passé sans hésiter de fabricants chinois à européens de textiles et de meubles. «Et puis, s'il vous plaît, dans les conseils d'administration et les réunions de la direction, parlez d'abord des clients, avant tout autre sujet, car c'est d'eux que vient l'argent», ajoute-t-il. De son côté, le Semadeni Plastics Group a rédigé un code de conduite. «Nous attendons aussi de nos fournisseurs qu'ils s'y conforment et nous y sommes également attentifs chez nos principaux partenaires», explique P. Semadeni.
Yeastup conclut des contrats à très long terme lorsqu'ils revêtent une importance stratégique. La startup a ainsi signé un contrat de livraison de dix ans avec un grand logisticien pour de la levure de bière. «Des contrats équilibrés mènent à une situation gagnant-gagnant. Les partenaires peuvent développer ensemble des solutions durables. Et si nous réussissons, les fournisseurs participent directement à notre succès», explique Urs Briner. Régulièrement, Yeastup soumet ses produits à une analyse de leur cycle de vie. Celle-ci reflète l'empreinte écologique et met en évidence un potentiel d'optimisation supplémentaire. «Mais pour nous, le plus grand succès est de rendre les consommateurs heureux grâce à nos produits», dit en souriant Urs Briner.
Les actes sont plus importants que les belles paroles
Les experts s'accordent à dire que la durabilité n'est pas gratuite. «L'Ebit d'une entreprise durable peut être inférieur, car de nombreux coûts environnementaux sont encore externalisés. Les banques devraient également le comprendre», fait remarquer P. Semadeni. Par exemple, les compensations pour les émissions de gaz à effet de serre qui ne peuvent pas être évitées représentent clairement des dépenses supplémentaires qui ont un impact sur les comptes. U. Briner fait l'éloge du fonds de technologie, qui octroie des garanties aux entreprises suisses innovantes. Parallèlement, il critique le fait que 100 000 francs de chiffre d'affaires constituent un seuil élevé pour les start-ups. D. Matthews appelle les tiers à soutenir une entreprise «plus longtemps et avec tolérance», même si celle-ci doit supporter une longue période de vaches maigres.
«Bien faire et le faire savoir» est une devise à laquelle se conforment aussi bien le Semadeni Plastics Group que Yeastup. «Notre gestion de la durabilité est un point fort de notre communication», reconnaissent P. Semadeni et U. Briner. Mais il est au moins aussi important que les avantages du produit soient convaincants. Pour D. Matthews, les actes sont de toute façon plus importants que les paroles. Il estime qu'il serait contre-productif que les entreprises se contentent de s’affubler d’une image verte. «Je ne veux pas voir des labels ESG multicolores; je souhaite plutôt que les entreprises fassent le ménage dans toutes les vieilles «servitudes» si pesantes, ou qu'elles fassent sans relâche certaines petites actions correctement et de manière cohérente», explique l'investisseur.
Il est clair pour tous les participants à la discussion que la durabilité exige certes un effort – mais qu'elle est payante à long terme pour tous: pour l'entreprise, toutes les parties prenantes, la société et l'environnement.