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Giulia Tagliabue, professeure à l’EPFL, est experte en nanophotonique: elle étudie les interactions entre la lumière et la matière à l’échelle du milliardième de mètre. Photo: EPFL

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Produire de l’énergie grâce à l’évaporation de l’eau

L’interaction entre les nanomatériaux et la lumière donne lieu à des effets passionnants. Giulia Tagliabue veut les exploiter pour produire et stocker de l’énergie durable. Elle mise également sur l’évaporation de l’eau.

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Giulia Tagliabue est née à Bologne en 1985. Après des études de génie mécanique à l’Université d’Udine, elle rejoint l’EPFL en 2009 en tant que collaboratrice scientifique. Elle intègre ensuite l’ETH de Zurich où elle obtient son doctorat en génie mécanique en 2015 avec une thèse sur le design nanophotonique pour les dispositifs de conversion lumière-chaleur et lumière- charge. Grâce à deux bourses de mobilité postdoctorales du Fonds national suisse, Giulia Tagliabue effectue un séjour de recherche de plusieurs années au California Institute of Technology (Cal-Tech) à Pasadena. Depuis début 2019, elle est professeure assistante à l’Institut de génie mécanique de l’EPFL. Elle dirige le Laboratory of Nanoscience for Energy Technology (LNET). Depuis décembre 2022, elle est également rédactrice en chef de la revue Nanophotonics. Son travail a été récompensé par l’EPFL Latsis University Award 2024 et son enseignement par l’EPFL Award for Best Teaching 2024.

Certains phénomènes du quotidien passent souvent inaperçus. Ainsi, l’eau liquide portée à ébullition se transforme en vapeur. Jusqu’ici, rien de bien extraordinaire… sauf pour Giulia Tagliabue. Selon cette scientifique italienne, ce phénomène, en apparence banal, recèle un potentiel quasi infini, notamment pour l’approvisionnement énergétique durable.

Giulia Tagliabue dirige le Laboratory of Nanoscience for Energy Technology (LNET) de l’EPFL. Ses travaux portent sur la nanophotonique. Ce domaine de recherche encore très neuf progresse à pas de géants et enchaîne les découvertes passionnantes. Pour faire simple, il étudie les interactions de la lumière avec la matière à l’échelle nanométrique. En effet, lorsque les photons, les plus petites unités de lumière, rencontrent des particules, des fils ou des surfaces nanométriques, ils produisent des effets inédits. À l’échelle nanométrique, les matériaux les plus ordinaires se comportent de manière tout à fait extraordinaire. C’est ce qui rend leur interaction avec la lumière aussi passionnante. Une meilleure compréhension de ces effets nous permettra de les contrôler et de les utiliser, notamment pour la production et le stockage de l’énergie.

L’objectif est clair, mais le chemin reste long. Un nanomètre correspond à un milliardième de mètre. À cette échelle, même un cheveu humain, dont la section peut atteindre 100 000 nanomètres, est considéré comme gigantesque. En d’autres termes, le nanomonde est invisible à l’oeil nu et il est difficile d’accès, en dépit de tout son potentiel.

Le rayonnement solaire peut alimenter le transfert d’énergie à l’échelle nanométrique. C’est précisément l’objet des recherches de Giulia Tagliabue. «Mais nous devons d’abord comprendre un certain nombre de mécanismes fondamentaux», ajoute-elle. «À l’échelle nanométrique, de nombreux phénomènes se produisent simultanément et déclenchent des effets différents. Nous voulons décrypter les plus importants.» La scientifique recherche des partenaires au-delà de son champ de recherche fondamentale, dans les domaines où son équipe manque d’expertise ou d’équipements.

Comme le montre sa collaboration avec des modélisateurs et modélisatrices, l’approche interdisciplinaire est la clé du succès. «Nous concevons nos expériences de manière à fournir des données précises aux théoriciens et théoriciennes», explique-t-elle. «En contrepartie, ils nous fournissent des prévisions que nous pouvons ensuite comparer à nos résultats. Nous obtenons ainsi des informations qui auraient été inaccessibles autrement.» Ces informations sont également intégrées dans les trois domaines de recherche de son laboratoire.

«Capter» la lumière

La catalyse plasmonique destinée au stockage de l’énergie photochimique est un domaine de recherche qui vise à contrôler les réactions chimiques par la lumière. De manière générale, les catalyseurs permettent d’accélérer les processus chimiques. Dans la catalyse plasmonique, c’est la lumière qui joue ce rôle. À l’échelle nanométrique, ces catalyseurs sont composés d’argent ou d’or en raison des propriétés inédites de ces métaux: non seulement ce sont de bons catalyseurs, mais ils peuvent aussi «capter » la lumière et générer de l’énergie pour déclencher, accélérer et contrôler les réactions chimiques. La catalyse traditionnelle, à haute pression et à haute température, est très énergivore. La catalyse plasmonique est incomparablement plus durable et pourrait être utilisée de manière prometteuse dans la production d’hydrogène «vert», notamment à l’aide de nanoparticules d’or exposées au soleil.

«C’est le domaine sur lequel je travaille depuis le plus longtemps: j’y avais déjà consacré ma thèse de doctorat», explique Giulia Tagliabue. «Grâce à ces travaux préliminaires, notre travail s’appuie sur une compréhension approfondie des processus microscopiques.» Et ces efforts portent déjà leurs fruits. Dans une publication récente de la revue spécialisée Light: Science and Applications, l’équipe scientifique de l'EPFL a mis en évidence un effet jusqu’alors inconnu de l’interaction des nanoparticules d’or avec la lumière.

Des lentilles d’un nouveau genre

La thermonanophotonique destinée aux systèmes reconfigurables, qui porte sur l’interaction des nanomatériaux avec la lumière et la chaleur, constitue un autre axe prioritaire. La recherche espère mettre au point des systèmes innovants pour la technologie des capteurs et l’optoélectronique, dont la structure et les fonctions peuvent s’adapter de manière réversible aux conditions environnementales.

«Les lentilles des applications d’imagerie offrent un bon exemple», précise Giulia Tagliabue. Les lentilles dites métalliques sont des composants optiques d’un nouveau genre et ne focalisent pas la lumière comme des lentilles traditionnelles. Elles sont formées de nanostructures jusqu’à 1 000 fois plus plates et permettent de créer des systèmes optiques compacts, légers et peu onéreux aussi bien pour les caméras de smartphones que les endoscopes médicaux.

«On sait déjà comment fabriquer des lentilles métalliques parfaitement plates», explique Giulia Tagliabue. «Nous voulons maintenant modifier leurs caractéristiques a posteriori. Pour ce faire, nous utilisons la température, et donc la lumière. Prenons une lentille dotée d’une focale donnée à température ambiante. Nous modifions cette focale en chauffant la lentille par exposition à la lumière. Ce processus est réalisé sans contact avec la lentille, ce qui s’avère très utile quand celle-ci est difficile d’accès.»

Courants électriques

Le troisième domaine de recherche est la génération hydrovoltaïque basée sur l’évaporation de l’eau. Près de la moitié de l’énergie solaire qui atteint la Terre alimente ce processus et recèle un énorme potentiel énergétique. En effet, l’évaporation entraîne un flux d’eau continu, à la manière d’une pompe. Ce phénomène peut être exploité à l’aide d’appareils spéciaux dotés de canaux de taille nanométrique. L’eau qui les traverse en s’évaporant génère un courant et une tension électriques.

Ces dispositifs ne sont pas encore mûrs pour une application industrielle, notamment parce que certains effets restent incompris. Giulia Tagliabue et son équipe ont mis au point une nouvelle plateforme expérimentale avec des colonnes nanométriques de silicium disposées avec précision pour tester l’effet hydrovoltaïque de l’évaporation dans des conditions strictement contrôlées. Leur découverte a été publiée dans la revue spécialisée Cell Press Device. «Contrairement à ce que l’on pensait jusqu’à présent, ces dispositifs hydrovoltaïques n’ont pas besoin d’eau hautement purifiée», explique la chercheuse. «Ils fonctionnent très bien avec de l’eau du robinet ou de l’eau de mer.»

Cela ouvre des champs d’application passionnants, en complément des solutions de production d’énergie existantes. «Je pense que nous avons besoin d’un mélange d’approches durables susceptibles d’être exploitées de manière flexible en fonction des conditions environnementales», dit-elle à propos de l’approvisionnement énergétique du futur. «Cette approche nous offre une nouvelle alternative.»

Avec son équipe, elle souhaite utiliser une subvention du Fonds national suisse pour tester un prototype hydrovoltaïque dans des conditions réelles, sur le lac Léman. Parallèlement, elle envisage aussi des applications à petite échelle, car les appareils hydrovoltaïques ne nécessitent qu’une très faible évaporation. À l’avenir, les traqueurs de fitness portables seront peut-être alimentés avec nos gouttes de sueur.

Déclaration: Ce contenu est réalisé par la rédaction de Sustainable Switzerland pour le compte du partenaire EPFL.

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