La course à la neutralité carbone
La crise climatique offre des possibilités gigantesques à toute une génération de dirigeants. Cette transformation économique appelle une accélération – et de nouveaux leaders.
Patrick Herhold est Managing Director et Partner au Center for Climate and Sustainability de BCG. Photo: PD
La crise climatique offre des possibilités gigantesques à toute une génération de dirigeants. Cette transformation économique appelle une accélération – et de nouveaux leaders.
6 Min. • • David Schnapp, Sustainable Switzerland Editorial Team
Les crises sont toujours synonymes d’opportunités: c’est un lieu commun économique et social, mais cela n’a probablement jamais été aussi vrai qu’aujourd’hui. Grâce aux adaptations nécessaires qu’exige la protection du climat, politiquement incontestée, le monde est à la veille de la plus grande transformation pacifique de l’histoire de l’humanité. Des occasions uniques s’offrent ainsi à toute une génération de dirigeants. En même temps, le changement menace le modèle commercial des entreprises. C’est là un énorme défi.
En effet, l’abandon de l’économie fossile est une course dont la vitesse est sous-estimée – voire même pas encore perçue par de nombreux CEO et managers. L’étude «Winning the Race to Net Zero», réalisée par le World Economic Forum (WEF) en coopération avec le Boston Consulting Groupe (BCG), montre clairement que de nombreuses entreprises sont surprises et dépassées par l’ampleur du changement. C’est également ce qu’illustre le graphique sur les projections de capacités et de coûts en matière de photovoltaïque, d’éolien et de batteries. Selon l’étude, les processus technologiques sont souvent évalués de manière trop conservatrice: «Les pronostics pour la capacité photovoltaïque ont ainsi été multipliés par 36 entre 2002 et 2020, tandis que les coûts unitaires prévus ont été divisés par trois. Cette dynamique de progrès technologique et de réduction des coûts qui se renforcent mutuellement – dynamique encouragée et soutenue par des incitations réglementaires dans de nombreux pays –, est également observée dans d’autres technologies à faibles émissions de carbone», souligne le rapport.
Cet exemple illustre la rapidité avec laquelle l’environnement commercial va évoluer en raison de la vaste nécessité de réduire les émissions nocives pour le climat. «Nous traversons une décennie dans laquelle tout doit être livré rapidement. Les avantages de l’action sont évidents, et les coûts de l’inaction représentent une menace pour toute l’humanité», affirme Patrick Herhold, Managing Director et partenaire du Center for Climate and Sustainability de BCG. La protection mondiale du climat devient plus dynamique et les gouvernements et les entreprises se fixent des objectifs dont Herhold est convaincu qu’ils auraient encore été impensables il y a quelques années. L’accélération de la transition vers la protection du climat remettra en question les modèles commerciaux traditionnels, créant en même temps des opportunités pour les précurseurs.
La demande monte en flèche
Pour Jens Burchardt, Managing Director & Partner chez BCG à Berlin, il s’agit aujourd’hui de poser les jalons d’un avenir pas si lointain: «Les ambitions politiques, entrepreneuriales et privées en matière de net zéro augmentent rapidement, ce qui va accroître la demande en technologies et ressources respectueuses de l’environnement beaucoup plus vite que ne le prévoient actuellement la plupart des entreprises. La demande de tout ce qui va des énergies renouvelables à l’hydrogène et aux matériaux recyclés et non fossiles en passant par les véhicules électriques, va s’envoler en flèche, de même que la demande en matières premières correspondantes. Les marchés tels que celui des carburants durables pour l’aviation, pour lesquels les producteurs avaient encore des difficultés à trouver des investisseurs il y a trois ou quatre ans, manquent soudain de ressources. C’est une bonne chose d’être sur un marché restreint. Les entreprises qui sont en mesure de développer des produits et des services durables auraient dû, si l’on pousse le raisonnement à l’extrême, les mettre sur le marché dès hier.» Comme on le constate actuellement, la fenêtre pour les entreprises désireuses de profiter des avantages d’un «first mover» est en train de se refermer. De nombreuses entreprises travaillent déjà intensivement à leur stratégie net zéro et en tireront des avantages concurrentiels dans un avenir proche. C’est par exemple le cas de certains prestataires dans l’industrie automobile et de leurs fournisseurs. Beaucoup de ces entreprises se sont également fixé pour toute leur chaîne d’approvisionnement des objectifs ambitieux qui vont accélérer le rythme du changement.
La dynamique de la lutte contre le changement climatique a augmenté de manière exponentielle. Fin 2020, plus de 9 600 entreprises du monde entier ont divulgué leurs données d’émission à l’organisation internationale à but non lucratif CDP (anciennement Carbon Disclosure Project). Parmi elles, environ 3 000 avaient déjà défini des objectifs de réduction de leurs émissions. En 2017, elles étaient moins de 900. L’ob- jectif est clair: les entreprises leaders dans le domaine de la protection du climat peuvent ainsi obtenir des avantages efficaces et ont en même temps une énorme influence sur la concurrence, les chaînes d’approvisionnement et les clients finaux. Elles modifient la donne, mènent la course et obligent les autres à les suivre.
Avantages de la stratégie net zéro
Mais quelle est la bonne stratégie en matière de concurrence net zéro? Quelles opportunités offre la décarbonation et comment les CEO peuvent-ils les exploiter? Il n’existe pas encore de doctrine ni de connaissances avérées sur la stratégie d’avenir adéquate, mais certaines expériences des cadres ont remis en question leurs modèles commerciaux traditionnels et déjà transformé avec succès leur entreprise, leur stratégie, leur portefeuille commercial et leur organisation.
Il s’avère que les entreprises leaders en matière de protection du climat attirent davantage les talents. Leurs taux de croissance sont plus élevés, et la baisse des émissions de CO2 entraîne également une baisse des coûts. De plus, ceux qui devancent les régulateurs réduisent leur risque d’entreprise. Ainsi, une analyse BCG du mécanisme de compensation du CO de l’UE dans cinq secteurs à fortes émissions montre que les coûts des émissions d’ici 2030 réduisent certes les marges bénéficiaires dans tous les secteurs, mais que les entreprises qui décarbonent à temps atteignent des marges EBIT (avant inté- rêts et impôts) de 2% à 12% supérieures aux entreprises concurrentes qui reportent la décarbonation. L’analyse du Boston Consulting Group montre par ailleurs que les leaders climatiques créent davantage de croissance pour leurs actionnaires. Une analyse de début 2021 a clairement mis en évidence que les entreprises leaders du secteur énergétique, parmi lesquelles Enel, Iberdrola, Neste, NextEra Energy et Ørsted, ont réalisé entre 2017 et 2020 des rendements annuels pour les actionnaires de l’ordre de 30%, c’est-à-dire d’un niveau comparable aux entreprises technologiques Amazon, Apple, Face- book ou Google. Et dans le «Value Creators Report 2021» de BCG, une analyse financière des multiplicateurs d’évaluation dans le secteur industriel américain a montré que l’intensité des émissions était désormais le deuxième facteur le plus important pour l’évaluation des entreprises.
Un modèle commercial de protection climatique commence par l’évaluation des émissions de l’entreprise, puis par le calcul du risque de la question climatique, la définition d’un modèle commercial net zéro, pour enfin définir des objectifs ambitieux. Mais pour être en tête de cette compétition, une seule question est vraiment importante: qu’est-ce que mon entreprise peut faire de mieux? Un objectif qui pose aujourd’hui des jalons dans le secteur ne sera pas nécessairement encore ambitieux demain. Sauf s’il est vraiment ambitieux et continue à évoluer lorsque les conditions changent et que les technologies progressent. Les cadres qui le comprennent peuvent réellement transformer leur secteur. C’est précisément de ces leaders qu’a besoin l’économie aujourd’hui pour faire progresser la transformation.
Déclaration: Ce contenu est réalisé par la rédaction de Sustainable Switzerland pour le compte du partenaire BCG.
Cet article traite des SDG suivants
Les Objectifs de développement durable (ODD) sont 17 objectifs mondiaux de développement durable convenus par les États membres de l'ONU dans l'Agenda 2030. Ils couvrent des thèmes tels que la réduction de la pauvreté, la sécurité alimentaire, la santé, l'éducation, l'égalité des sexes, l'eau propre, les énergies renouvelables, la croissance économique durable, les infrastructures, la protection du climat et la protection des océans et de la biodiversité.
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