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val d’Anniviers, en Valais

Photo: Imago

Climat et énergie

Dans les forêts valaisannes dévastées par les neiges d’avril, les bûcherons travailleront pendant des mois

Arbres brisés ou déracinés, routes coupées et torrents encombrés: les chutes de neige exceptionnelles de la semaine dernière ont engendré de sérieux dégâts dans les forêts du val d’Anniviers, déjà fragilisées par plusieurs catastrophes naturelles. Les bûcherons travaillent dans l’urgence.

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Dans les forêts valaisannes dévastées par les neiges d’avril, les bûcherons travailleront pendant des mois

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  • Dans le val d’Anniviers, de nombreux arbres se sont brisés sous le poids des neiges très abondantes de la semaine dernière.
  • Depuis une semaine, les bûcherons de la vallée travaillent dans l’urgence pour sécuriser routes, lignes électriques et cours d’eau.
  • Ces dernières années, les forêts de la région ont déjà perdu de leur capacité protectrice à la suite des crues et des sécheresses.

Une odeur de résine flotte dans l’air. Pour rejoindre le site, les bûcherons escaladent des arbres couchés et s’enfoncent parfois dans la neige jusqu’aux genoux, une tronçonneuse et un bidon d’essence à la main. Sur l’autre rive du torrent des Moulins, striée de petits glissements de terrain, des mélèzes déracinés gisent dans la pente et menacent un captage d’eau potable. Les forêts du val d’Anniviers ont beaucoup souffert des chutes de neige exceptionnelles de la semaine dernière. Selon les premières estimations, entre 2000 et 4000 mètres cubes de bois ont été brisés. Tous les endroits touchés ne sont pas encore accessibles. Garde forestier, Guillaume Revey soupire: «Il y a tellement de travail que nous devons prioriser et nous concentrer sur le plus urgent.»

Particulièrement exposé aux catastrophes naturelles, le val d’Anniviers porte encore les stigmates des crues de l’été passé qui avaient engendré des inondations dans la plaine, à Sierre et Chippis. La route principale, elle, est fermée pour des travaux liés aux éboulements du mois de novembre. La semaine dernière, les forêts d’un vallon voisin ont souffert d’un incendie. Quelques jours plus tard, un peu plus d’un mètre d’une neige lourde et humide a recouvert les branchages. De nombreux arbres ont cédé, coupant plusieurs routes et les deux lignes électriques de la vallée. «Nous avons d’abord ouvert les accès principaux pour les secours et les habitants, puis sécurisé les lignes pour rétablir le courant. Maintenant, le plus important c’est de dégager encore une fois les lits des cours d’eau», précise Guillaume Revey.

Les chemins de randonnée sont dévastés. Tous les bûcherons qui fourmillent autour des bois brisés ont moins de 30 ans. Saisonniers, certains d’entre eux travaillaient encore pour les remontées mécaniques il y a trois jours. Des épicéas sont allongés en travers du torrent. Bientôt, les débits des cours d’eau augmenteront avec les orages et la fonte des neiges. L’accumulation des branchages pourrait contribuer à déclencher des laves torrentielles, ces coulées de boue chargées de pierres, soudaines et très dangereuses. Le smartphone de Guillaume Revey crépite. Il dirige 18 collaborateurs depuis près d’une année et il a déjà affronté plusieurs situations de crise. Du genre taiseux, il glisse: «Je commence à avoir l’habitude des catastrophes, mais je n’avais jamais vu ça.»

Le lourd tribut du pin sylvestre

«Selon les sols, les essences et les systèmes racinaires, certains ont cassé et d’autres ont basculé». Dans les locaux du triage forestier, à Saint-Luc, Lambert Zufferey détaille les dégâts. Sur la route du hameau où il vit, et qui a été privé d’électricité pendant deux jours, il a compté 120 arbres couchés. Les bouleaux dont les feuilles avaient déjà éclos ont retenu la neige et sont particulièrement touchés. Pour cet ingénieur en gestion de la nature, natif du coin et membre du comité de l’association forestière valaisanne Forêt Valais, «le reste de l’année, les arbres sont déjà malmenés par les sécheresses, les incendies, le gui, les chenilles processionnaires ou le bostryche», ce coléoptère qui ravage les bois et pond ses œufs dans leur écorce. Il analyse: «Avec les changements climatiques, les forêts du bas de la vallée ont changé de visage en dix ans.»

Les pins sylvestres ont payé un lourd tribut aux neiges d’avril. Selon Lambert Zufferey, «ils sont utiles parce qu’ils poussent là où les autres essences ne vont pas». Très résineux, leur bois n’est intéressant ni pour la construction, ni pour le chauffage. Après striage, les arbres abattus devront rester sur place. Ils favoriseront la biodiversité et les insectes xylophages, qui s’en nourrissent. L’ingénieur explique: «Quand ils disparaissent, ils sont remplacés par des petits buissons rabougris beaucoup moins protecteurs. Ils laissent ruisseler les eaux et le danger de chutes de pierres ou de glissements de terrain augmente.» Guillaume Revey ajoute: «Les végétations deviennent steppiques et ces sols très secs sont difficiles à régénérer».

«Un mikado géant»

Les dégâts sont moins graves sur les hauteurs, où les arolles ont plutôt bien résisté. Au pied de l’usine hydroélectrique de Vissoie, un hélicoptère dépose des arbres qui peuvent être valorisés. Débité en tronçons de quelques mètres, leur bois pourra être vendu, ou alors utilisé pour faire des barrières ou des bancs publics. Mais la majorité des arbres cassés seront broyés et transformés en plaquettes pour servir de combustible de chauffage. En contrebas du site, les eaux de la Navizence grondent. Sur l’autre rive, les dégâts sont considérables. Au fond de la pente, des arbres ont été arrachés par les crues. Au sommet, des bouleaux ont été couchés par la neige. Un jeune bûcheron vient de finir de dégager le toit de l’usine: «C’était un mikado géant et il fallait faire très attention.»

Désormais, Lambert Zufferey redoute des phénomènes «plus sournois». Les bois morts qui resteront dans les forêts attireront des parasites qui pourraient s’attaquer aux arbres sains. Ils pourraient aussi favoriser les incendies pendant l’été. Il insiste: «L’immense majorité des forêts appartiennent à des bourgeoisies locales, qui ont souvent des moyens très limités. Elles servent à protéger des routes, des infrastructures et des maisons qui ne leur appartiennent pas.» En Valais, leur entretien est subventionné à hauteur de 9500 francs par hectare et par année. Pour l’ingénieur et pour l’association Forêt Valais, ce n’est pas suffisant dans les régions les plus accidentées: «Ce travail indispensable devrait être considéré comme une prestation et rémunéré à son juste prix, parce qu’il reste meilleur marché que des ouvrages de protection, et aussi plus élégant.»

Xavier Lambiel, «Le Temps» (25.04.2025)

Sustainable Switzerland publie ici des contenus de Le Temps.

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