Une éponge en poudre
Elle a surtout à cœur de trouver des solutions pour faire face à la pollution croissante et au changement climatique. Il faut trouver de nouvelles technologies qui permettent par exemple de filtrer les émissions de CO2 dans l’air et de les transformer en énergie. Elle explique comment elle peut y contribuer sans aucun jargon technique. «Avec mon équipe, je travaille au développement de nouveaux matériaux pour séparer les gaz des liquides. Imaginez une structure comme l’éponge que vous utilisez dans votre cuisine, mais avec des pores incroyablement petits, 50 000 fois plus fins que le diamètre d’un cheveu.»
La chercheuse s’empare d’un tube à essai rempli d’une poudre bleue. Des super-éponges extrêmement minuscules. «Ces nouveaux matériaux sont constitués de métaux et de composants organiques. Grâce à leur structure unique, vous disposez dans chaque gramme d’une surface d’échange équivalente à celle d’un terrain de football. C’est un record mondial.» Les matériaux microporeux, appelés en anglais «metal organic frameworks» (MOF), agissent comme des filtres et captent des éléments jusqu’au niveau moléculaire. «De cette manière, nous pouvons absorber les produits chimiques de l’air, par exemple le dioxyde de carbone des centrales électriques ou les gaz d’échappement des pots d’échappement.» Si l’on chauffe ensuite les éponges dans un environnement sécurisé, les particules capturées sont libérées des nanopores. Cette technique permet par exemple d’obtenir du CO2 très pur, que l’on peut stocker sous terre ou réutiliser sous forme transformée, par exemple comme combustible.
Une révolution scientifique?
Un autre thème important est le traitement de l’eau. «Imaginez: Aujourd’hui, environ 25 % de la population mondiale n’a pas accès à l’eau potable. C’est pourquoi nous essayons de concevoir nos super-éponges de manière à pouvoir les utiliser pour éliminer de manière ciblée les métaux lourds et particules toxiques en tous genres de l’eau.» Dans un autre projet, Queen s’occupe également d’appareils respiratoires médicaux. «Ici, la tâche consiste à extraire de l’air ambiant une concentration élevée d’oxygène aussi pur que possible, ce qui représente un défi considérable dans les pays où l’humidité est élevée, comme en Afrique. C’est pourquoi nous réfléchissons à la manière d’optimiser ces appareils pour qu’ils soient encore moins sensibles à l’eau.»
Sa technologie d’éponge aux applications si variées est-elle une révolution scientifique? Queen n’irait pas jusque-là. «Le concept a été découvert il y a déjà une trentaine d’années. Cela fait donc un certain temps que des recherches sont menées dans ce sens. Mon travail se concentre sur l’acquisition de l’expertise nécessaire pour modifier ces éponges afin qu’elles puissent être utilisées de manière optimale pour des fonctions et des applications spécifiques.»
«Environ 25 % de la population mondiale n’a pas accès à l’eau potable aujourd’hui.»
On sait depuis longtemps filtrer le CO2 de l’air et les métaux lourds de l’eau en laboratoire et dans des installations pionnières. La question est de savoir si ce sera possible un jour à très grande échelle? «Oui, bien sûr!», Queen en est convaincue. «Nous travaillons actuellement d’arrache-pied pour rendre le processus aussi efficace et rentable que possible. Notre objectif est que les éponges puissent également être utilisées à grande échelle. Nous ne pouvons aujourd’hui pas encore dire quand ce sera possible. Pour le marché, ce sont surtout les coûts qui sont déterminants: Les nouveaux processus doivent être moins chers que ceux utilisés jusqu’à présent.»
Le soutien politique est également nécessaire, par exemple pour établir progressivement une technologie durable comme le captage du CO2. Queen fait remarquer qu’il existe déjà, y compris en Suisse, des premières startups actives dans ce domaine avec des installations spéciales, et qu’elles ont du succès. «Elles montrent qu’il est effectivement possible de capter de grandes quantités d’émissions nocives dans l’air.»
Une question de ressources
La recherche sur des processus d’avenir n’est possible que si l’on dispose des ressources nécessaires, notamment de laboratoire parfaitement équipés. Les projets de recherche peuvent devenir une épreuve de patience, une chaîne apparemment sans fin de tests et d’essais in-fructueux. La voie vers le succès est extrêmement complexe. C’est pourquoi Wendy Lee Queen est si enthousiaste face aux possibilités qui lui sont offertes, à elle et à son équipe, sur le campus de Sion.
«Nous pouvons travailler ici dans les meilleures conditions, même en comparaison internationale. Lorsque j’ai eu en 2015 l’opportunité de quitter Berkeley pour venir en Suisse afin de diriger le laboratoire des matériaux inorganiques fonctionnels en tant que professeure assis-tante titulaire, je n’ai pas eu à réfléchir longtemps. Les conditions à l’EPFL sont tout simplement parfaites! Ici, nous pouvons traiter de nombreux projets rapidement et de manière flexible, ce qui n’est souvent pas le cas dans d’autres institutions. L’EPFL fait tout pour que nous puissions réussir.»
L’échange et l’étroite coopération avec des professeur-e-s d’autres disciplines font également partie de la culture particulière de l’université. Sans oublier les ressources financières fournies par l’industrie, le secteur des fondations et les ONG. Mais cela n’influence pas la recherche à proprement parler. «Notre liberté académique n’en est pas affectée», souligne Queen.
Selon l’EPFL, ses travaux dans le Valais ont déjà débouché sur six brevets. À cela s’ajoutent à ce jour 75 publications scientifiques dans lesquelles elle a démontré son expertise. De plus, la professeure a été élue en 2020 par le magazine spécialisé «Chemical & Engineering News» l’une des «Talented 12» – une distinction pour «les jeunes stars montantes qui utilisent le savoir-faire chimique pour changer le monde.»
Le succès ne lui a d’ailleurs pas été transmis au berceau: Queen est la première de sa famille des états du Sud à avoir fait des études. «Avant d’entrer à l’université, je ne rêvais pas non plus de devenir scientifique. Quand j’étais petite, je voulais devenir joueuse de baseball professionnelle. C’est resté une de mes passions, même ici en Suisse.» Quand elle a dû choisir un métier, elle avait envie d’un travail qui ne soit pas monotone, qui ne soit pas le même tous les jours. «C’est ce qui a déterminé ma carrière», dit Queen. «La science me met au défi d’être créative, de m’intéresser constamment à de nouvelles choses.»
Dans une vidéo de l’EPFL, on a demandé à Wendy Lee Queen si son métier existerait encore dans 100 ans. Sa réponse: «J’espère vraiment que mon domaine d’activité n’existera plus d’ici-là. Cela voudrait dire que nous avons résolu les problèmes que nous voulions résoudre: Chaque individu sur terre aurait alors accès à de l’eau potable et à de l’air pur. Les problèmes tels que la pollution, les émissions de CO2 et le réchauffement climatique seraient éliminés.»